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You shouldn't mumble when you speak

2 août 2017

J'ai migré, je suis là :

 

 

J'ai migré, je suis là :

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25 avril 2017

Il n'y a pas de temps pour écrire quand la vie

 

Il n'y a pas de temps pour écrire quand la vie pulse. Bouillonne. Brouillonne. Il y a des tâches d'encre sur les doigts, et des traces de feutre partout derrière moi. Il y a le vivant, les cheveux des enfants et leurs larmes, parfois. Il y a les bras qui m'enserrent, m'encerclent, me serrent fort et ne me relâchent pas. Il faut dire oui, il faut dire "on dit quoi?", il faut dire non, pas cette fois. Il faut fermer les portes pour avoir cinq minutes de silence, il faut faire semblant qu'on n'est pas là. Et puis, courir dans les couloirs, les escaliers, sur le bitume abîmé et les sentiers milles fois arpentés. Toquer à des portes faites de tous les bois. Et derrière, jouer un nouveau rôle à chaque fois. Argumenter, expliquer, patienter ou se mettre en colère. Taper le poing contre la table et soupirer. Avec les années s'ajoutent le courage, l'entetement et le souvenir des conquêtes passées.

Je n'ai plus peur des silences, je n'ai plus peur des décisions auxquelles on ne veut pas me mêler. Je n'ai plus peur du noir, des monstres du désespoir et ceux des chagrins pas encore arrivés. Passé, présent, futur et tout ce qui doit nous succéder. Je n'ai plus peur des ordres, des canines à peine limées. De cette trentaine qui approche, qui accroche, qui ondule et se rapproche. Je n'ai pas peur de tout le chemin que j'ai déjà traversé. Je n'ai plus peurs de tous les dragons que j'ai déjà terrassé. Vaincu, brûlé, grignoté. Sur ma peau des cicatrices et du sang séché. Des victoires, des victoires, des victoires et de l'or amassé.

Je n'ai plus peur du bonheur, peur au point de toujours vouloir toujours l'économiser. Le restreindre, le contraindre, le conditionner en tout petit morceaux pour ne pas trop l'user. De pas colorier trop fort avec les crayons, bien reboucher les feutres et ne pas trop appuyer sur les craies. Laisser tout en demi teinte, pastels tiédasses et aseptisés. Pas trop d'émotions, pas trop de sentiments qui pourraient se greffer. Ne pas dire qu'on mérite mieux, le penser un peu et puis vite l'enterrer. Être avec un garçon qui faisait tout à moitié. La moitié de la gentillesse, la moitié de l'amour, la moitié de ce qui est demandé. Et l'autre côté, le côté face de la pièce lancée. La moitié de l'horreur, la moitié de la colère, la moitié dissoute dans l'acide et la moitié du malheur. Pile ou face. Pile ou face. Et un jour, balancer les pièces et ranger les affaires. Rendre la monnaie, crier tout ce qu'il n'aurait pas fallu taire. Prendre ses mots, ses chats, ses rêves, ses projets hululants et sa théière.

Construire une vie en accrochant la peur sur l'un des crochets du porte-manteau, celui tout derrière. Ne pas reboucher les feutres et écrire à les craies sur des pans entiers de murs bleu canardé. Bricoler des nouvelles règles, des nouveaux plans jamais essayés. Ici, c'est mon territoire, ici le tien pas délimité. Tu peux t'approcher près, je ne m'enfuierai pas, je ne mordrai pas. Je ne couperai plus mes lèvres à forcer d'y enfoncer mes dents ciselées. Je suis vivante, je suis saignante, je ne suis plus une matière à modeler. Je suis de toutes les couleurs des saisons qui vont et reviennent quand elles en ont assez.

Même si parfois, rarement, il y a des tempêtes à cause des terreurs des naufrages passées. Alors on s'arrête, on raisonne, on caresse et apaise ce stupide coeur qui n'a de cesse de battre sans bride, sans qu'on lui ai demandé. On apprend de nos erreurs, on apprend de ce qui autrefois était la fin du monde. Mais plus maintenant. Les cités anciennes et ravagées n'ont plus de pouvoir sur ce qu'on créer. Les larmes, la sueur, la moiteur des lèvres qu'on embrasse et qu'on aspire sans plus respirer.

Les cauchemars n'ont pas de poids sur le réel, le tangible, sur la peau que les ongles peuvent griffer. Ils n'existent pas sur le désir, sur ce qui palpite, ce qui brûle sans s'arrêter. Pas de demi mesure, pas de choses à moitié terminées. Des couleurs sur les murs, et même sur les anciens monstres qu'on a barbouillé. Cajolés, compris, rassurés. Qui ne font plus peur, qu'on laisse courir, apprivoisés et bariolés. Qui ne nous mordent presque plus, et qui sont comme nous. Rafistolés, reformatés à tout ce bonheur qui ne se dérobe pas. Incredules et apaisés.

26 mai 2016

Je ne sais plus grand chose en ce moment. Tout

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Je ne sais plus grand chose en ce moment. Tout est très rapide, ou très lent. J'observe le plafond, je fais avec mes doigts des battements. En réunion, je n'écoute personne et j'ai les yeux ouverts sans rien voir devant. Dans l'immense église, je garde les lèvres scellées, le regard dur alors que le prêtre demande de chanter. Ma bouche fermée durant les chants et les prières. Il était où l'amour, trois ans en arrière? Ma robe à oiseaux, mon bandeau qui retenait mes cheveux et ma nièce qui hurlait "Je n'ai pas envie" devant l'eau bénite pendant que je riais de ce cadeau.

La veille, j'étais partie chez ma grand mère pour pouvoir la ramener. Je chantais très fort dans la voiture pour ne pas m'endormir. Dans la journée, un automobiliste s'était arrêté pour me demander si j'allais bien. J'étais dans la rue, et je m'accrochais à un mur parce que je ne pouvais plus marcher. Je lui avais souri, j'avais dit merci, je travaille juste à côté et il était parti, les sourcils inquiets. Mais c'était de ma faute monsieur, si mon dos me faisait souffrir à en avoir le souffle coupé. A-t-on idée de si peu dormir, d'autant veiller? De fermer les yeux à six heures du matin pour les ouvrir deux heures après. De rire avec des étudiants qui n'étaient pas les miens, et de se reconnaître tellement dans le diplôme qu'ils fêtaient. La timide avec son verre vide et son manque d'argent pour en commander à nouveau, celui qui parlait très fort, celui qui racontait trop, celui qui souriait timidement alors que je le félicitais. Entre temps, je retournais leur prendre des verres au bar et rire avec les inconnus qui s'y trouvaient. Cette demi heure qu'on devait juste passer, et qui a fini par durer plus longtemps que prévu. Leurs joies, leurs vies, leurs projets. La timide et son coup de coeur qu'elle m'avouait pendant qu'il partait fumer. Moi qui lui souriait, qui l'écoutait, qui disait oui oui mais qui pensait "Si tu savais, jolie, si tu savais". On a fini par les laisser fêter tous seuls leur année qui se finissait. Et moi et mon vélo que j'avais pris pour ne pas rentrer tard. L'alcool que j'avais un peu contrôlé. L'heure que je regardais, il va falloir rentrer, maintenant, il va falloir y aller.

Et puis, non. C'est pas moi, c'est l'obscurité. C'est pas moi, c'est plus compliqué. Est ce que c'est le noir qui fait ça, est ce que c'est juste une question de manque de clarté. Mes doigts dans ses cheveux, et ma paume contre la peau sous laquelle un autre coeur vite battait. Plus aucune distance, plus aucune barrière, plus rien pour faire sens. Plus aucune raison à laquelle se retenir, et ces heures dans lesquelles on était supposé dormir. Mes cheveux emmêles, mes yeux cernés et la lumière trop vive du matin sur le canapé. Le manque de sommeil, les mains qui tremblaient et des questions qui m'amusaient. Si sur mes lèvres, c'était bien de la fraise qu'il sentait. De la cerise, je repondais. Tu mélanges les gouts en plus des couleurs, je souriais alors que j'avais mal à la tête et l'envie de dormir mille heures plutôt que d'aller travailler. De rester dans cet appartement que je connais par coeur, même les affiches, même les tasses dans l'évier. Même celle que j'avais ramené d'Espagne il y a quelques mois qui me paraissent une eternité. Les livres partout, les vêtements noirs, les chansons pour lesquels on ne cessait de se disputer. Ma tête sur sa cuisse, nos yeux fermés et nous deux de repeter je suis fatigué je suis fatigué je suis fatigué. Et au travail, croiser le collège d'amour qui s'inquiétait de mes petits yeux. Et le rassurer en souriant, "Mais tu sais, ce garçon est si beau et on n'a jamais assez de temps". Rire dans les couloirs, et m'apercevoir plus tard d'une étole dont je n'étais pas la propriétaire, enfouie dans mon grand sac usé. Sourire devant les élèves en disant "c'est rien" avec les mains, respirer un grand coup et passer la journée à moitié embrumée, à moitié éveillée. Je ne sais plus grand chose en ce moment, et pour l'instant c'est bien assez.

16 mai 2016

Dans le cabinet de ma psy, j'ai fait mon

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Dans le cabinet de ma psy, j'ai fait mon adolescente. Je n'avais accompli aucunes des choses qu'elle m'avait demandé, et j'avais les bras croisés. On a discuté, on a déverrouillé et j'essayais de dire que non en fait, c'était très bien. Quand je me rebelle, c'est que je sens le changement. Et le changement m'effraie. Surtout quand je sais à quel point elle a bien réussi à me cerner, "Mais vous n'avez pas à avoir peur, vous l'avez toujours le contrôle". J'ai souri et j'ai arrêté de courber mon dos. Je lui ai parlé que j'avais enfin vu la soeur, et même mes parents. Rapidement. Mais quand même. Je crois qu'elle était inquiète de me savoir si seule cet hiver. Mais c'était mieux sans eux, c'était mieux dans ma tanière et ma famille loin derrière.

Et c'est le printemps et le soleil. Et ça se voit sur mes élèves, à qui j'apporte des fleurs quand j'en trouve sur les chemins. Qui disent qu'elles sont moches, et qui les serrent très fort dans leurs mains. J'en ai un qui m'en cueille dans la cour en ce moment, et j'ai toujours des gobelets d'eau et des couleurs dedans. Les filles parlent d'amour et me posent des questions. C'est quoi, c'est difficile, on sait comment? Ça fait quoi d'être avec quelqu'un qu'on aime, il te manque manque manque et quand tu le vois, il ne te manque plus? On sait comment qu'on est amoureuse, ça fait quoi comme sensations? Alors j'essaie d'expliquer avec mes mots, pour ne pas que ça sonne trop faux. Être amoureux c'est quand l'autre t'écoute vraiment et ne parle pas que de soi. C'est quand tu peux te reposer sur l'autre quand tu es fatigué, et que ce n'est pas juste lui qui s'écroule sans arrêt sur toi.

Et je ne sais pas ce qu'il se passe, la nuit. Quand je crois que tout va bien, quand je gère tout ce qui me tient dehors. Je ferme les yeux, et les cauchemars m'aggripent dès que je m'endors. Une pièce avec des larges fenêtres, qui ressemblait très fort à l'aeroport. Lui en face, et moi qui hurlait. Qui criait tout ce que je n'avais pas dit, il y a deux ans. Comme si ça comptait, comme si c'était important. Comme si dans ma tête, dans ma nouvelle vie où je m'épanouie, il fallait sans arrêt me le rappeler. La douleur, la souffrance, tout ce qui brûle et qui devrait être enterré. Les autres ont tellement de chance d'avoir des ruptures sur lesquelles s'appuyer. Une relation, un début, un milieu, une fin. Moi c'était plus compliqué, moi c'était l'absence, l'absence et le néant englués.

Alors dans ce nouveau cauchemar, dans ce nouveau rêve aux sons de couteaux aiguisés que je m'étais fabriqué. Je hurlais, et puis je pleurais. Remplie du moi d'avant, remplie de moi de maintenant. "Dis moi adieu, on ne va jamais se revoir, il faut que tu me dises au revoir". Et je criais, et je criais sans pouvoir m'arrêter. Cette fille que j'étais dans le passé, mais qui savait la suite de ce qui allait se passer. Qu'il n'y aurait plus jamais de nous, et jamais d'au revoir comme il faut entre gens qui étaient supposés s'aimer. Qu'il allait me falloir tout le courage du monde, et même ça, ça ne serait pas assez. Lutter, disparaître, se noyer. Se raccrocher à des corps en rejetant les sentiments. Les peut être, les bourgeons des émotions que les autres ressentaient pour moi qui attendait une fin qui n'arriverait jamais. Et dans ce cauchemar, je pleurais des larmes que je ne savais pas que j'avais encore. Un chagrin que je pensais enterré, un chagrin que je pensais mort. Mais la vie, tu sais, la vie c'est parfois avoir tort.

Et en me réveillant, le souffle hésitant, je ne pleurais pas. Par contre, mon dos complètement bloqué, et je ne pouvais pas me lever. Et ça fait des jours que je m'accroche à tous les meubles pour pouvoir avancer. Parce que mon corps aime somatiser. Parce que je suis toujours la plus belle illustration de tout ce qui peut me traverser. Alors je crie en voulant m'assoir, je me mords les lèvres en me relevant. J'hésite à envoyer des messages pour demander de l'aide, et j'efface tout avant d'appuyer sur envoyer. Je n'ai pas besoin d'aide, j'ai juste besoin d'être encore plus forte que je le pensais. Je cogne les murs, je m'aggripe à toutes les poignées. J'insulte, je jure, je mélange les deux langues que je parle pour pouvoir être encore plus grossière. Je refuse de me tenir voûtée, je me mords la langue et je me redresse à chaque fois. Plus jamais la tête baissée, plus jamais par terre à ramper. Plus jamais cette moi qui je rêve encore, et qui a heureusement fini d'exister. Plus jamais.

9 mai 2016

Ils sourient et ils soupirent. Et ils rient.

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Ils sourient et ils soupirent. Et ils rient. Devant des soupes, des verres de vins rouges ou des pintes qui s'enchainent. Nos alcools devant nous, et mes gens que j'aime en face de moi. Qui écoutent mes bêtises, mes périples. Mes 9000 kilomètres de voyage et moi qui vadrouille dans le monde et mes projets. Mes nouvelles idées, mes impulsions mal contrôlées. La vie partout, la vie sans dessus dessous.

Je n'ai pas assez dormi ces derniers temps et ça s'est ressenti. Dans mon tempo, mes choix, mes envies. Mes impulsions sont toujours plus fortes quand je reviens de l'étranger. Mes intuitions, aussi. Parfois je m'égare, je me trompe, je confonds. Et parfois, et bien parfois non. Quand j'ai ma paume sur la poitrine des gens, on croit que je suis douce. En vrai, toujours, c'est là que je les écoute vraiment.

Je passe beaucoup de temps autour de tasses de thé, ou de verres de cidre. Et la même question, "Mais qu'est ce que tu as encore fait?". "Rien rien, je réponds, c'est la fatigue qui me fait rire pour rien, ça va passer". Comme quand je me retrouve à rire pendant une demi heure avec mon chouchou infirme moteur cérébrale. Qui sourit tout le temps, et qui signe toujours "blague - rire" quand il me voit. Qui s'etait encore mis à rire un mercredi, et que j'avais suivi. Il signait "quoi quoi quoi?" sur son menton avec ses doigts, et je n'arrivais pas à m'arreter. J'avais trop peu dormi et mon côté raisonnable m'avait quitté depuis la veille, où j'avais passé cinq minutes à hésiter devant une porte d'entrée. Ce n'est pas raisonnable de ne pas dormir quand on rentre de si loin. Ce n'est pas raisonnable de débarquer sans prévenir chez les gens, ce n'est pas poli du moins. Ce n'est pas raisonnable de parler toute la nuit devant les mêmes affiches, sur les mêmes coussins usés et derrière les mêmes bougies. Ce n'est pas raisonnable de rire comme ça, de se manquer autant et pourtant de reprendre toutes les conversations comme s'il n'y avait pas eu six mois de passés. Ce n'est pas raisonnable, ce n'était pas devinable. C'est en dehors de toute prévision, de toute compréhension. La morale, la logique, les projections. Le temps qui passe sans qu'on le devine, et déjà à nouveau, c'etait le milieu de la nuit. Mon cerveau qui réfléchit réfléchit réfléchit et cesse d'un coup, toujours, quand des doigts courent sur mes paumes. Mais je trouve toujours ça drôle, cette ironie. C'est toujours quand j'ai mes mains immobilisées, que j'arrête enfin de parler.

Et le reste, c'est la vie qui court pour rattraper tout le temps perdu. Les gens que je retrouve, que je sers dans mes bras. Qui me racontent leurs histoires de ruptures, leurs douleurs, tous les chemins que j'ai déjà empruntés et que je connais par coeur. A ma jolie A., je lui dis "Je suis désolée que tu souffres. Mais je suis impatiente de voir comment tu vas évoluer, comment tu vas utiliser tout ça pour créer quelque chose d'encore plus beau, d'encore plus important. Il me tarde de rencontrer celle que tu deviendras après" Et on trinque à ça, à la vie, à l'amour, aux grands déchirements qui nous bousillent et nous revèlent encore plus grands qu'avant. Plus forts qu'avant.

Dans le salon de Thibault un autre jour, avec un garçon pas vu depuis quatre ans. Qui demandait des nouvelles de nous, de tout ce qui avait changé depuis tout ce temps. Et mes amis de me raconter, avec ces mots là. Ces mots choisis par d'autres personnes que moi. "Tu vois ton pire ennemi ? Et bien même à la personne que je déteste le plus au monde, je ne lui souhaiterais pas ce qu'elle a vécu. Je ne le souhaiterai à personne, jamais". Et moi et mon verre, et mes yeux écarquillés. L'alcool vite descendu qui brûlait tout le long de ma gorge, et mes lèvres encore une fois mordillées. Moi non plus, je ne le souhaiterais à personne, jamais. Parce que c'est dur de devoir résumer, de devoir nous compacter en quelques phrases pour expliquer. La trahison, le doute, la fuite et moi toute éparpillée. Toute en morceaux que j'ai du patiemment récolter. Recoller. Ré-assembler. Tout en changeant de formes, de places, de configurations. Ça, j'aime je garde, ça je n'en veux plus, on peut le jeter. Ça va, c'est du passé. Ça ne fait même plus mal quand on touches les cicatrices, tous les endroits cicatrisés. Ça ne fait plus mal du tout, mais quand même, c'est toujours un peu compliqué de se raconter. D'entendre les autres dire "Elle a vraiment été très forte, tu sais", alors que tu secoues la tête sur le côté. Non non non, ce n'est pas vrai. Si j'avais été forte, je n'aurais pas fait ça. Je n'aurais pas attendu qu'il ne reste plus rien de moi, pour le quitter. Je l'aurais giflé, la plus grande gifle de l'histoire de l'humanité. Traitor, I should have said to you. You bloody traitor, you twat. Un jour, dans un train qui durait des heures, j'avais écris une longue lettre comme je sais les faire. Où j'avais tout deversé, toute la colère, toute la tristesse, tous ces sentiments qui m'encombrait. Je ne l'avais pas posté, puisqu'il ne méritait même pas que je lui adresse des mots, écrits ou parlé. Mais cette phrase, cette dernière phrase, Go to hell, you and your insignificant dick. J'en avais ris toute seule, dans mon vieux TER mal éclairé.

En attendant, dans le présent, je me peins en noir les ongles des mains. Et puis aussi, ceux des pieds. Deezer me propose des musiques que je ne connais pas, et je souris en entendant Ben Harper. Qui me sussure que I love the way you think but I hate the way you act, cause I always have to steal my kisses from you. Et je secoue la tête en dansant, tu parles Ben si je connais tout ça. Dans dix jours, c'est mon anniversaire et je ne sais toujours pas ce que j'en ferai. Le fêter ou non, trinquer les années ou partir voir l'océan. Dans ma tête, tout est très brouillon. Très désordonné, et j'ai beaucoup de mal en ce moment à me concentrer. La faute à moi, la faute à mes idées. Le mois d'avril a joliment fini et celui de mai, je ne sais pas trop ce qu'il peut réserver. Alors je bois du champagne rosé avec ma grand mère, des alcools plus forts avec mon cousin et je me retrouve à rouler en vélo la nuit, en riant sous un sombrero. J'appelle les gens en mettant mes écouteurs, et je parle la tête à l'envers et mes pieds sur le haut du canapé. Je fais écouter de la musique à mes élèves, je continue à leur montrer de l'art et à voir ce qu'ils peuvent en prendre, en apprendre. S'en imprégner. Je fais semblant d'écouter en réunion, je gribouille des notes et je dois parfois faire pause sur des souvenirs peu appropriés. Tout est changeant, les jours sont plus longs et plus éclairés. Et les nuits de mai sont jolies, le printemps est incroyablement imprévisible cette année.

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21 avril 2016

Ma peau commence à être bronzée du soleil d'ici.

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Ma peau commence à être bronzée du soleil d'ici. Ca fait presque deux semaines que je suis arrivée, et je n'arrive pas à réaliser. A me faire à l'idée. Je déambule dans les rues sans collants, je porte mes sandales tout le temps. Dans l'immeuble, je suis pieds nus, je suis vagabonde quand je prends l'ascenseur pour m'enfuir sur le toit. Mes livres, mon carnet, ma citronade et moi. Je regarde les feuilles des palmiers, je regarde les oiseaux et les avions voler. 

Je réfléchis beaucoup. C'est même pour ça que je pars, à chaque fois. Pour me retrouver entre moi même et moi. Pour réfléchir à ce que je veux, ce que je cherche, ce dont j'ai envie. J'écris dans mes carnets, je ferme les yeux et je pense aux derniers mois qui se sont écoulés. Je pense à ce que je n'arrive pas à me cacher. Entre les palmiers et l'accent américain, ça fait deux semaines que je suis très heureuse. Je souris, je prends des photos, je filme tout ce que je vois. Je bois de la bière à la fraise, je dis "Mais nique ta mère toi aussi" en français dans le texte à tous les blaireaux qui sifflent les filles, ici. Je dors sur un matelas gonflable dans le salon, j'ai mes cheveux qui n'en font qu'à leur tête à cause de l'eau et du vent. J'ai mes lunettes de soleil à pois toujours sur le nez, et je ne sais jamais vers où ma tête doit se tourner.

On a roulé huit heures de suite dans la grosse voiture bleue ciel, en mangeant des saloperies d'aires d'autoroute. Il y avait l'océan à gauche de nous, et puis ensuite les étoiles, et nous en dessous. San Francisco était tellement belle en arrivant, j'ai souri trois jours durant. Les maisons, les pentes à descendre et puis à monter, le soleil qui brûlait ma peau mais on s'en foutait. Le festival japonais où on a regardé ma carte d'identité pour pouvoir me permettre d'acheter ma bière. Que je n'ai pas fini, à cause de la gueule de bois des jours d'avant. Quand j'avais passé la soirée avec ce garçon, mi français / mi américain. Qui avait vécu partout et qui, pauvre de moi, bégayait parfois. Que j'avais encore plus envie d'embrasser du coup, mais que j'ai préféré écouter. Et puis, une bière qui s'appelle "Voodoo", j'aurais du me douter que ça allait mal se terminer. Ou alors c'était à cause du gin tonic d'après. Je suis rentrée à l'appartement, et tout tournait. J'ai passé la journée suivante à me plaindre depuis le lit, et à tenter de ressusciter.

Comme cette nuit d'escale improbable à Montréal. Où j'ai mis ma jolie robe en dentelles, et j'ai rejoins S. que je n'avais pas vu depuis deux ans. Avec qui on se promettait toutes sortes de choses plus ou moins inavouables. Et une fois sur ce grand lit de cet hôtel près de l'aeroport, tout ce qu'on a trouvé à faire, c'est parler. Parce que c'était toujours l'un des garçons le plus drôle que j'ai rencontré, et que j'ai du souvent essuyer mes yeux à force de rire à en pleurer. Même quand on parlait des choses difficiles, même quand on était nus et que ça n'aurait pas du être le moment, de dire des bêtises comme des adolescents. Et pourtant. J'ai encore appris une leçon, j'ai encore compris que je preferais la vie quand elle n'était pas compliqué. Quand je pouvais débattre de Star Wars avec un homme avec qui j'avais manqué m'évanouir quelques instants plus tôt. Tomber dans les pommes pour de vrai, et mes mains que je ne pouvais empêcher de trembler pendant que je riais. Mais enfin, mais d'habitude les gens ne me font pas autant d'effet tu sais. Je ne veux plus de sexe sans relation, je n'en vois plus l'interet. Mais cette parenthèse là, ce n'était pas pareil. C'était parce qu'on se connaissait au final, c'était pour tout ce qui pourrait se passer si on était plus près. C'était joli et court, et c'était exactement ce qu'il me fallait. Il faisait moins trois degrès au matin très tôt quand je suis reparti, et sous mes chaussures la neige craquait. 

Je ne veux plus de compliqué, je veux être comme je suis maintenant, et être heureuse très souvent. Entendre les garçons me dirent que je suis désirable, toucher mon collier en bois tout doucement en me disant des jolies choses. Je veux leur sourire, finir de boire et rentrer pieds nus me coucher. Avoir tous mes nouveaux bracelets qui font du bruit sur mes poignets. Ma bague avec le papillon que Ginger Boy m'avait offerte avant de partir, et qui change de place sur mes doigts. Je veux rire avec F. des garçons qui veulent me revoir, et moi d'ajouter mais non mais la Jamaique j'ai déjà fait. Je ne veux plus de sexe sans sentiments, je ne veux plus de mains sur moi de personnes qui ne soient pas importantes. Je ne suis plus celle d'il y a deux ans. Celle qui ne ressentait plus grand chose, et qui avait besoin de ça pour se sentir vivante. Je la comprends, je l'aime bien, elle a fait ce qu'elle a pu pour survivre et aller vers l'avant. 

Mais maintenant, si tu savais, mais maintenant. Celle que je suis, que je forge, que je construis. Avec ses sentiments toujours dans tous les sens, mais quand même un peu mieux accordés. Qui ne m'empêchent pas d'être heureuse, qui ne m'empêchent pas d'avancer. Pour qui je prends le temps parfois de me poser. Ouvrir ma cage thoracique en deux, observer, répertorier. Constater, et m'amuser. De ce qui reste, de ce qui pousse, de tout ce qui grouille en moi et fourmille d'envies et d'idées. La vie est simple en voyage, la vie est simple quand je ne suis que mouvements et trajets. 

Je rentre demain, beaucoup d'heures d'avion, et puis ensuite du train. Voir des jolies personnes à Paris, et rentrer tard avec la nuit. Je ne veux pas partir mais je veux bien retrouver mon appartement. Ma vieille ville, ma langue, ma vie de là bas qui est chez moi. Mes nouvelles choses à faire, mes choses à moi que j'ai décidé. Je suis heureuse ici, et c'est quelque chose que je veux importer. Je veux du simple, des rires, du facile et des projets. Je sais ce qu'il me reste à faire, je ne sais pas du tout ce que ça va donner. Je sais ma prochaine envie, ma prochaine folie, je la vois se dessiner. On verra bien, tu sais, on verra bien. 

Mais la vie est belle en fuseaux horaires décalés. Avec le recul, avec les 9000 kilomètres qui me sépare de celle que j'étais avant de partir. Chaque fois que je pars, je reviens toujours un peu modifiée. Un peu plus heureuse, un peu plus retrouvée. Quand je suis seule, c'est là que j'arrive le mieux à me rencontrer. Dans un livre l'autre jour, j'ai lu "Everything in the universe has a rythm. Everything dances." Je ne connais pas encore le mien, mais je m'en fous, j'ai toujours aimé danser. 

6 avril 2016

"Merci de m'avoir écouté", chuchotait Ginger Boy

 

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"Merci de m'avoir écouté", chuchotait Ginger Boy dans le noir, le dos tourné. Et moi, je faisais "pfff" et je me marrais dans l'obscurité. Des quatre coins du monde, on me dit ça. Dans la journée, il avait même prononcé la phrase que je connais, "Mais je ne sais pas pourquoi je te raconte ça". Et je crois bien que les gens avec qui je parle parle parle, ça reste mes personnes préférées. Mais là, j'avoue, je ne m'y attendais pas. Ce week end, cette semaine là

Dans le soleil, allongé sur la terrasse de chez ma grand mère. Je discutais avec elle, et je buvais du vin blanc en mangeant des chocolat de pâques. Et puis, dans l'herbe avec ma robe multicolore, je lisais le deuxième Vernon Subutex. Enfin, je le dévorais d'une traite et j'en étais limite contrariée, d'autant aimer. J'avais laissé mon téléphone à charger et je regardais les allers et venues de ma grand mère. Je regardais le ciel bleu à travers mes doigts, j'écoutais les oiseaux et je me disais "Mais que ce samedi est joli mais que ce samedi est joli". Et puis, en rentrant pieds nus sur le carrelage froid, un message sur mon répondeur. Ginger Boy et le reste de la famille, hey hey hey on va sur les quais, tu viens? Alors j'ai dit "à lundi" à ma grand mère et aux pins parasols, et puis je suis partie. La route était déserte et il y pleuvait du soleil. Je chantais très fort "The mirror stares you in the face and says,"Baby, uh, uh, it don't work". Le temps d'arriver dans ma vieille grande ville, la jumelle disait au revoir  parce qu'elle se sentait fiévreuse. Alors on est parti prendre un verre au pub d'A. que j'ai pris dans mes bras en le trouvant encore plus fatigué que d'habitude. Et on buvait du vin blanc en riant, on riait en buvant. On parlait de la synagogue où Léa voulait m'emmener et je répondais oui oui oui s'il te plait. On regardait le soleil décliner, et on discutait de nos vies. On devait ressortir le soir avec Ginger Boy qui me proposait de me faire à manger chez eux avant de repartir. Du coup on a fait la course en vélo et j'ai perdu, évidemment.

A l'appartement, le coloc anglais venait à peine de se réveiller. On a mangé tous ensemble dans les canapés cabossés. Il parlait de l'accent du sud de l'Angleterre et c'était fou à quel point ça ne faisait plus mal. Je lui disais oui oui, je connais. Je mangeais mon assiette préparée juste pour moi, et je regardais les trois autres faire leurs sacs. A côté de moi, on me demandait "On sort ou on reste ici?" et je dodelinais de la tête. Une couette bleu sur le canapé jaune plus tard, on regardait un film sur la fin du monde et on oubliait d'aller dans les bars. J'avais une immense veste pas à moi sur ma robe à pois, et sur mes yeux mes doigts. Beurk beurk beurk, les extra terrestres. A la fin, il était tard, et il m'a proposé de rester dormir plutôt que de rentrer. Je pensais à mon vélo dans le froid, et j'acquiesais. Même si je ne dors jamais vraiment, avec quelqu'un à mes côtés. Je me réveille beaucoup, et je m'amuse souvent de voir comme les gens ressemblent tellement à eux mêmes quand ils dorment. Ginger Boy m'a souhaité bonne nuit en hollandais, et s'est endormi dans le coin du lit, le dos tourné. Et je souriais dans le noir de toutes ses barrières qu'il ne cesse de se trimballer. Sauf qu'il ne reste pas en place, et que je l'ai retrouvé accroché à mon épaule quand j'ai ouvert les yeux à nouveau. Puis sur mon bras. Puis avec ma main dans les siennes. Puis à parler et à rire tout seul. Dans les multiples fenêtres de la chambre, la lune changeait d'endroit à chaque fois que je me reveillais. Et même si mon sommeil était compliqué, j'étais fasciné. Au matin, il m'offrait des ceréales avec du yaourt à la cerise dessus comme petit dejeuner. Du thé dans des verres à pintes, le soleil, la ville en dessous, mes jambes qui se balancaient sur du Tracy Chapman, mon manque de sommeil, les sourires partout.

Je devais partir à midi. Et puis, j'ai fait le chat. Sur le grand tabouret rouge de la cuisine, je ronronnais au soleil et je l'écoutais parler. Et c'est fou la vie des autres, et c'est fou de ne jamais avoir rencontré quelqu'un qui n'était pas important. Pas intéressant. Le destin des autres, tous leurs embranchements. Toutes les peines, les souffrances, les choses qu'on ne dit pas forcement. Qu'on me dit parfois à moi, parce que je suis toujours là à traîner dans les vies des gens et que je pose mille questions. Je me suis mordue les lèvres quand il m'a montré ses vidéos du collège et que j'ai regardé l'année inscrite sur le titre. Oups oups oups Ginger Boy, j'oublie toujours que tu es né un peu tard quand même. On a encore parlé, et il était de nouveau minuit. Je me suis frotté les yeux avant de me lever pour aller chercher mon vélo, et il m'a proposé de dormir encore là. Et qu'on verrait bien le lendemain pour repartir. J'ai souri parce que c'était bien mon genre, de ne jamais rentrer à la maison parce que je m'amusais trop dehors. J'ai demandé un tee shirt ce coup ci, et je me marrais d'en avoir un avec un chat orange imprimé. Le dos tourné à moi, le bonne nuit en hollandais, et moi qui ricanait dans le noir en virant une peluche au nom allemand. Et avant que je comprenne, lui déjà endormi, son dos collé contre moi et mon bras pris pour être rabattu sur lui. Et toute la nuit, ma main gauche toujours dans les siennes quand j'ouvrais un oeil. Quand le réveil a sonné et qu'il faisait encore terriblement noir dehors, je l'ai entendu grogné et j'ai ri. Alors j'ai passé mes ongles dans ses cheveux et sur son dos, pour que ça soit moins dur qu'il soit si tôt. Il s'est tourné avant de se lever, son pouce sur mes lèvres et je crois qu'en dessous, je souriais. Il part bientôt, très loin et très longtemps donc on sait bien qu'on n'a rien à faire, à construire, à développer. 

Alors justement, on passe du temps ensemble, dans cette coloc improbable où on rit tellement. Sa jumelle à lui qui parle de géographie, le grand frère et sa copine que j'aime tellement. Avec qui j'ai dévoré des tartes aux citrons pendant qu'elle me racontait l'enfer de 2014, et cette envie de mourir qu'elle avait retrouvé dans mes textes. La connivence de ceux ont souffert. Nos plumes. Nos cicatrices et nos rémissions sincères.

A l'appartement, je traîne près des plaques pendant qu'il cuisine. Je bois du vin, je pose des questions et il essaie de me répondre en signes. On est toujours sur le même canapé dans le salon, et c'est toujours quand je me lève pour rentrer chez moi qu'il m'attrape et se met dans mes bras. L'autre soir, il s'est endormi la tête sur ma poitrine. Les sourires des autres en rentrant et moi qui me justifiais "non mais ce n'est pas ce que vous croyez". En ouvrant les yeux une heure après, il avait la couture de mon débardeur imprimé sur la joue, comme un pirate mal réveillé.

Il m'embrasse au coin des lèvres pour me dire au revoir,  il se couche loin de moi et je le retrouve collé dès qu'il s'endort. Il est venu prendre un livre le dernier matin avant que je parte, et dans ses bras je l'entendais dire tout bas "tu vas me manquer". Il est jeune jeune jeune, et je ris toujours de toutes les réponses scandalisées que je reçois quand je finis par raconter. Nous ne sommes rien et c'est mieux comme ça, j'ai des rendez vous avec mes Boys de l'autre côté de l'océan pour ces vacances là. Mais j'étais un peu triste dans le train, un peu perturbée de quitter ce monde où on m'accueille et je me sens bien. Cette famille et ces gens tellement chouettes que je suis si fière d'avoir comme nouvelles personnes dans ma vie. Rencontrées par hasard, par chance, par conséquences des choix remplis de vie qu'on avait fait.

Cet appartement très grand où je ris à en pleurer, où on me prépare des assiettes juste pour moi. Où on me parle des problèmes de l'Irak, du Brésil et de l'Iran. Des conflits de gémélité, tiens tiens tiens, c'est quand même quelque chose que je connais. Où on me raconte des deuils insurmontables, des épreuves si difficiles et toujours la vie qui prends le dessus et qui fait avancer. Où je peux me glisser dans une chambre et sous trois couettes pour murmurer "Mais à part dormir, tu fais quoi?" et entendre sourire dans le noir. Et l'entendre répondre "tu m'as massé hier et je n'ai pas eu mal de toute la journée". Et l'écouter parler du nom des couteaux, du caviar, des framboises et des signes qu'il essaie d'apprendre aux autres pour communiquer à distance près des fourneaux. Contre le lit, la carte de l'Inde qu'il va parcourir et celle du monde qu'il visitera aussi. Bientôt, en automne. En attendant, ses cheveux roux entre mes doigts et moi qui râle "Vous faites chier à être si grands!" quand je suis au milieu des trois. Et que tout le monde a au moins une tête de plus que moi. On se revoit dans trois semaines, le temps de vadrouiller loin pour moi, et lui de retourner dans les terres aux tulipes. On se revoit tous ensemble, et on trinquera encore en français, et on dira "Prost" aussi vu que c'est pareil qu'en allemand. On rira de nos vies en fouillis, de nos histoires pas très bien rangées. Leurs jeunesses à eux trois, le même âge de Léa et moi. Le mois de mai est toujours mon préféré. 

28 mars 2016

"Seeking a friend for the end of the world", et

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"Seeking a friend for the end of the world",  et son dernier mois du reste de l'humanité. Mes sanglots sous ma laine noire. Mes mains sur mon visage. “I am madly in love with you, Penny. You’re my favorite, favorite thing". Lancer "My father's gun" dans mes écouteurs, et danser longtemps dans le soleil qui descend. Reprendre la liste de mes je veux, je voudrais, j'ai tellement envie.

Je veux continuer d'apprendre l'allemand, et retourner à Berlin pendant qu'Elle habite encore en Allemagne. Je veux regarder la grammaire du hollandais, pour savoir. Je veux aller à Amsterdam, et puis je veux aussi voir les tulipes de toutes les couleurs. Je suis une fille facile des voyages, tout me va, tout me plaît. Chuchote moi du néerlandais qui dit que tu achètes du pain et que tu vas à la piscine, et me voilà à vadrouiller virtuellement sur les routes de là bas.

Je veux continuer à mémoriser mes signes, je veux progresser. Je veux apprendre à lire le braille. Je veux savoir danser la valse. Je veux comprendre le tango. Je veux danser des ruedas, je veux en chanter. Je veux danser les pas de l'homme, je sais déjà à moitié les faire. Je veux danser encore. Dans ma salle de classe et chez moi. Tous les jours. C'est comme ça que je parle le mieux, c'est comme ça que j'arrive à comprendre ce que je veux. Comme à la Saint Patrick où nous n'étions que deux à danser dans le troisième bar. Et qu'on en avait vraiment rien à foutre, avec B. Les autres ne sont importants que si on les connaît. Et encore, et encore. Ils ne m'ont jamais empêcher de faire ce que j'aimais. Même si c'est souvent stupide, même si souvent hors des chemins tracés.

Je veux continuer à manquer tomber sur la piste cyclable et faire demi tour pour sauver des escargots. Je veux encore mettre mon réveil à 5:00 du matin pour envoyer un message qui dit "C'est vrai que c'est beaucoup trop tôt de se lever à cette heure ci, bon courage" à mon pâtissier qui utilise bien trop de smiley. Je veux écrire cet article qui est si dur, qui m'ebrèche à chaque fois que je le continue, et qui dit "il était une fois, un jour j'ai voulu mourir". Je veux écrire mon roman qui n'avance jamais assez vite, mais comment faire autrement? Mes personnages n'en font qu'à leur tête, et je passe mon temps à écrire des scènes qui n'apparaitront pas forcement. Quand je marche toute seule, je les questionne. Je soulève des idées, je m'interroge, et je me retrouve toujours avec des nouveautés. Alors j'ajoute des flèches en plus à la craie, sur mon mur déjà chargé. Je rajoute des post-it, je rajoute des éléments et je sautille sur mon canapé.

Je veux les câlins de mon collègue qui dit qu'on ne l'est plus vraiment, si on s'aime autant. Celui qui va se marier avec son amoureux l'année prochaine. Celui qui s'est blotti contre mon épaule pour son anniversaire, qui disait qu'il ne devrait pas, et que j'ai rattrapé alors qu'il voulait s'échapper. Je veux encore tous les prendre dans mes bras. Dans les gares, les aéroports, les bars et les rues mal éclairées. Ceux qui comptent, ceux que j'aime depuis longtemps. Les anciens, les nouveaux tout autant. Tous importants. Les expressifs, les réservés, ou Ginger Boy si peu habillé qui disait bonne nuit en enlaçant sans s'en soucier. Qu'il faudrait vraiment arrêter d'avoir l'idée d'embrasser. Mais ça provoque des sourires avec les miens, des débats, ma bouche et par dessus mes mains pendant que je ris ris ris sans m'arrêter. Et des captures d'écran envoyées, regarde l'année de son bac, mon dieu mon dieu mon dieu.

Je veux encore mes trajets à vélo, de plus en plus nombreux. De plus en plus souvent. Je vais au travail sans ma voiture maintenant. Je passe par l'université, et je suis le tram en écoutant de la musique. Je fais la course, je perds. Un matin, je me prends même une voiture mais, tu sais, j'ai trop appris à ne pas tomber alors ce n'est pas grave en vrai. J'avais mal au bras en arrivant, mais comme je ne saignais pas, ça ne comptait pas. 

Je veux encore mon ancienne élève qui m'aperçoit au bout du couloir et qui court court court pour me sauter dans les bras. Mon adolescente qui sourit toujours à force de me voir lui répéter je suis contente je suis fière de toi je suis fière de toi je suis fière de toi. Je veux encore être professeur. Je ne sais pas combien de temps, je ne sais pas si je vais rester toujours au même endroit. Mais m'assoir et m'allonger sur les bureaux, faire les cent pas devant le tableau, enseigner le français, l'histoire, la géo. J'en veux encore.

Je veux apprendre la guitare, et appeler le numéro d'un professeur qu'on m'a donné. J'attends avril, pour commencer. Ou alors mai. Je veux être en juillet et avoir mon nouveau tatouage sur le mollet. Je veux utiliser tout mon été pour écrire, et partir le faire ailleurs. Passer une semaine toute seule à Berlin, passer une semaine à Dublin. Je veux savoir ce que la vie me réserve, me prépare, m'improvise. Vadrouiller partout avec ma valise et mon sac bleu à cerises. Etre partout chez moi, être partout en train de sourire et danser.

Je veux planifier ce mois d'avril complètement fou. Je veux louer une voiture et partir explorer. Je veux filmer ce côté du monde que je ne connais pas. Je veux filmer l'accent de Sean pendant mon escale, et puis aussi ses yeux bleus. L'étoile de David autour de son cou. Je ne veux pas dormir, et puis reprendre un autre avion. Je veux filmer le soleil, la plage, les murs en briques. Ses cheveux à elle, blonds maintenant.

Je veux la vie qui grouille, la vie qui vadrouille. Je veux apprendre, je veux comprendre. Je veux sauter partout. Dormir dans d'autres lits que les miens, vivre sur des fuseaux horaires lointains. Je veux rire de moi, de toi, de nous. Je veux envoyer des cartes postales depuis l'étranger. Moi, je m'en fous tellement qu'on n'y réponde pas, ça ne m'a jamais dérangé. J'imagine juste la surprise devant la boite aux lettres ouverte, les sourires ou les sourcils un peu froncés. Et je suis comblée, je suis une manic pixie dream girl tu sais, je suis là pour chambouler, me réjouir et danser.

Je veux voir ailleurs le soleil se lever. Je veux de nouvelles robes avec des oiseaux, des pois, avec de la dentelle. Je veux qu'on me chuchote des jolies choses, et qu'on me dise que je suis belle. Je veux des baisers dans mon cou. Je veux des battements, des battements, des battements, je veux le printemps partout.

26 mars 2016

Les jours sont doux, en ce moment. Je ne sais pas

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Les jours sont doux, en ce moment. Je ne sais pas si c'est parce que je suis une enfant du printemps. Mais chaque mars qui passe, c'est la même chose. Je me réveille, je m'étire, j'ouvre grand les yeux et je respire mieux. Ça fait six ans pile que j'ai ouvert l'autre blog, ça fait cinq ans pile que je suis végétarienne. Les bonnes décisions, celles que je prends et celles qu'on a prise pour moi. C'était au mois de mars qu'il partait, il y a deux ans déjà. Bon vent, darling, bon vent vraiment.

Avec B., on a de nouveau fêté la Saint Patrick tous les deux. Comme l'année dernière. Nous et nos moustaches, nous et nos cadeaux verts collectés au fur et à mesure de notre trajet. De pub en pub, de plus en plus de rire dans les rues. Les vidéos en langues des signes, et le froid sur mes mains que je ne sentais plus. Un chapeau, un deuxième, et puis finalement un collier de fleurs sur mes cheveux pour finir la soirée. Des tee shirts où était écrit "irish true" et nos pas plus vraiment très droits. En passant devant un pub où tout le monde était sur le trottoir, tourner la tête et écarquiller les yeux. Mes hollandais, la famille au complet. On a pris de nouveau un verre, et moi je souriais à mon pâtissier roux que j'étais enchantée de retrouver. Sa jumelle m'a promis un rendez vous dans les jours suivants, et on a fini par se séparer parce qu'il fallait qu'ils rentrent tous dormir. B. et moi, on a préféré partir danser. Sauter partout dans le bar gay, prendre mon cousin dans les bras et danser avec plein de garçons si jolis et si souriants. Mes doigts deux fois coincés dans la porte, ce n'était pas important. Nos photos, nos sourires, nos bêtises, les pâtes dans la nuit et le lendemain, ma tête qui tournait. Partir en grimaçant et l'entendre me crier "Best party ever!" derrière la porte que je venais de fermer. Mon majeur était bleu et vert. J'ai grimacé toute la journée dans ma classe, mais c'était le prix à payer. Rire, boire, peu dormir, danser. Tant pis la migraine, tant pis ma mine froissée.

Et la semaine suivante, comme promis. Me retrouver dans l'appartement des deux frères de cette nouvelle famille préférée. Le jumeau et la jumelle me répétant tous les signes que je leur avais appris. Tous. Devant mes grand yeux étonnés. Pendant qu'il discutait avec d'autres, je regardais ce grand roux qui a du le sentir puisqu'il s'est tourné vers moi pour me signer "C'est chiant" pendant que je riais. Point pour toi, jeune homme. On a tous parlé de voyages, de cultures, de langue des signes et des boulots d'été. Lui contre moi, je lui ai demandé de me dire une phrase en hollandais. Les yeux fermés, j'écoutais de nouveau de l'inconnu. Et puis je les ai ouverts d'un coup et j'ai dit "Le mot pain, c'est le même en allemand!" et je l'ai vu sourire. Et j'ai aimé la langue, évidemment. On a cherché les Pays Bas sur google maps pour qu'il me montre les villes, et il se moquait "Mais tu ne savais pas où c'était?". Il me resservait du vin dans ma tasse pendant qu'il me posait des questions sur mon végétarisme et qu'il disait mais les poissons quand même, les poissons on s'en fout non. Je haussais les épaules et il rajoutait Mais alors si on mange de la viande, on ne peut pas t'embrasser? et je souriais en répondant Pas en même temps en tout cas, je préfère pas. J'ai discuté avec la jolie L. venue s'assoir à côté de moi. Sa grand mère juive, son métier, la danse partout dans sa vie. Ginger Boy devait se lever tôt donc il est parti se coucher. Pour me dire au revoir, ses deux mains qui attrapaient mon visage pour embrasser mes joues. Et les coïncidences, et les ressemblances. Z, mon grand roux du Mississipi qui avait fait pareil, un an avant. Et si je dois rencontrer des jolis roux à chaque fois que le printemps renaît, je suis d'accord, ça me va comme habitudes à ancrer.

Quinze minutes après, je tapais à sa porte pour lui parler d'une dernière vidéo en langue des signes qu'il devait regarder avant de se coucher. Ce que je n'avais pas prévu, c'était l'obscurité dans la chambre, et lui debout devant moi. Ses bras autour de moi pour me dire au revoir, encore. Ses baisers sur mes joues et moi qui disait "je vais y aller" mais qui ne partait jamais. J'ai fini par tourner la poignée pour repartir, et j'ai pris une dernière fois cet immense garçon torse nu dans mes bras avant de m'éclipser. Mon vélo, la route pas si longue, la nuit et la lune presque pleine. La musique et moi qui chantait dans les rues désertes.

Le lendemain soir, je racontais un peu à A. dans la salle de cinéma, en lui disant "Can I tell you a secret?". Et je l'entendais me répéter "You're the worst oh my god you're the worst" alors que je riais. Le secret, c'etait l'année de naissance de Ginger Boy. Et je gloussais "I'm sorry I'm so so sorry". Et c'est pour ça que je ne m'approche pas trop, que je me laisse enlacer mais que je m'échappe vite. Mais c'est une jolie histoire quand même, ce garçon qui part faire le tour de l'Inde pendant un an. Qui parle plein de langues, et qui sait m'expliquer le flamand. Son immense carte au dessus de son lit sur lequel je sautais en regardant tous les pays où je voulais aller. Mes doigts sur les villes, regarde, le mois prochain je serai là. Ces jolies rencontres faites par le hasard, une fratrie dans une soirée de quatre vingt personnes. Ce si joli garçon qui embrasse les joues un peu trop près des lèvres. Sa jumelle qui apprend la géographie, et qui veut me donner des mots de hollandais contre des mots que ses mains pourraient signer. Et eux tous qui prennent dans leurs bras, et envoient des messages d'amour pour un oui ou pour un non. Ce printemps tellement doux, tellement changeant. La vie qui renaît, le soleil qui paresse et s'étire, et me fait penser au dormeur du Val que j'étudie avec une élève, le passage "où la lumière pleut". L'hiver est passé, tu sais, et on est bien mieux de l'autre côté. On est mieux quand on a fini d'hiberner.

13 mars 2016

"Ce que vous m'avez amené à la première séance de

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"Ce que vous m'avez amené à la première séance de correspond pas à la jeune femme vivante que je vois maintenant devant moi."

J'ai souri. Dans ma tête, le nombre de fois où j'avais eu envie d'annuler la séance. De trouver une excuse, de faire comme d'habitude. Inventer une histoire, fuir, oublier de revenir. Oublier. Oublier. Oublier. Et ne plus jamais y retourner.

Mais pas cette fois. Ce coup ci, ce n'est plus pour moi. Les anciens schémas, on leur dit d'aller mourir. D'aller crever. Brûler. S'incinerer et en faire renaître des nouveaux. Faire germer autre chose, n'importe quoi. Une nouvelle carte, une nouvelle moi, une nouvelle peau. Je me sens à l'étroit dans celle ci. Allongée sur mon lit, je passe mon temps à regarder mon plafond à travers mes doigts. D'un côté les sentiments, de l'autre le cerveau. Personne ne s'écoute, tout le monde crie. Personne ne veut avoir tort, tout le monde veut donner son avis. Les émotions partout, qui ruissellent, qui vadrouillent, qui m'emmelent et m'emmerdent. Et me perdent. Je réfléchis, j'analyse, je constate mais rien n'y fait. Je ne suis jamais d'accord avec ce que je pense, et je finis toujours par me lever.

Alors, comme à l'interieur je suis en chantier. En tranchées. Je m'utilise comme matériaux, je m'en sers pour créer. Je danse à ne plus pouvoir respirer. Je cherche à me rappeler tout ce qu'on avait appris avec Partenaire. Et quand j'aurai un peu plus retrouvé mes pas et ce tempo si particulier sur huit temps. Je retournerai peut être dans ces soirées où on allait, comme avant. Danser, s'accrocher, rire, boire, tourner. Il y a une vie ou deux, on tenait mieux l'alcool et on était un peu plus innocents. Moins cabossés peut être, et beaucoup plus adolescents.

J'écris beaucoup. Ici, sur l'autre blog. Le gros, celui où les gens m'envoient des messages, des commentaires, des mails, des vidéos. Des compliments, de l'amour, des "je t'aime" et des choses qui me sidèrent. Ils me disent que je les aide, que "te lire au quotidien m'aide à aller mieux", "te lire c'est mon moment de foi en l'humanité". Et je reste interdite un moment, devant leurs mots. J'ai la gorge serrée, et parfois les yeux un peu embués. Je ne sais jamais quoi répondre, ni comment remercier. Le réconfort qu'ils viennent chercher dans mes phrases alors que je voudrais tellement qu'on me prenne dans les bras et qu'on me dise que ça va aller. Je ne me suis rarement senti aussi esseulée dans le monde entier. Comme disait le barbu l'autre jour alors qu'il me faisait passer des photos, "Il y avait un million de gens sur cette plage mais je me sentais très seul". La même chose, les même milliers de gens et moi toute seule et perdue dedans.

Mais heureusement ce matin là, il y avait les photos de son adolescence qu'il m'envoyait pour rire et oublier. Leurs têtes à tous les deux, quinze ans de moins et mes ricanements qui ne pouvaient pas s'arreter. Leurs visages si jeunes, leurs bêtises si grandes. Leur adolescence ailleurs qu'ici, les plages en moins et moins de rose pailleté. Mais le reste pareil, les rires, les sourires, les cuites et les costumes, les voyages et les souvenirs sur pellicules. Les histoires à raconter, à échanger. Moi qui lui envoyait des photos du mien, de passé. Les cheveux courts et roux, les cheveux noirs et roses. Les foulards sur ma tête, noués, le collège, le lycée.

Entre deux envois, lui qui écrivait "tiens, j'ai reçu un colis, je me demande qui c'est". Et moi qui souriait. C'était le mien qui venait d'arriver, que je lui avais envoyé deux jours plus tôt pour lui souhaiter bonne chance. Pour lui dire que je pensais à lui et que tout allait finir par s'arranger. La jolie coincidence qui m'a plu, qu'on parle ensemble au moment où il l'a reçu. Dans le bureau de poste, j'avais mis des paillettes sur la machine pendant que je le refermais. J'avais mis mes deux paquets l'un au dessus de l'autre, et j'avais grimacé un sourire. Les deux meilleurs amis à qui j'envoyais des choses différentes, dans des villes différentes. Dans nos relations différentes, naturellement. Dans notre communication qui ne sont pas les mêmes, bien évidemment. Avec le premier, on parle beaucoup, on s'avoue pas mal de choses en ce moment. Le deuxième, c'est plus compliqué. Mais je trouve que les silences parlent aussi, qu'ils en disent bien assez. Les silences de lui à moi. Les silences que je mets entre moi et les autres garçons. Que je finis par repousser, que je mets plus loin et que je ne laisse pas vraiment approcher. Un peu, mais pas trop près.

En soirée, ce bassiste qui me fixe avec intensité. A qui je souris, pour voir. Pour essayer. Je suis tremblante sur mes bases en ce moment. Avec tout ce que je remue, ce que je découvre, ce que je change et ce qui est encore mouvant. Mais quand je retrouve l'attention d'un autre, quand on me rappelle que je plais. Je me souviens de cette fille que j'étais et qui n'avait jamais peur de l'autre. "Be mine", elle disait. Il y a longtemps, deux ans, une eternité. Maitenant, je regarde dans les yeux, je sirote des verres pleins, puis vite vidés. Mais je suis toujours tiraillée, j'ai toujours l'impression d'attendre quelqu'un et de me tromper. Tu es très joli garçon, mais ce n'est pas toi que je veux. If it comes back to you, its yours. If it doesn’t, then it was never meant to be me repètent mes livres de poésies.Alors je soupire, je dis au revoir et je rentre avec la nuit.

Du vin blanc sur les lèvres, des idées qui germent et jaillissent.

J'hésite. Et puis une nuit, je me décide.

Si je dois encore être triste, si je dois avoir du mal à tourner la page. Autant être loin, autant partir à l'autre bout du monde. Loin d'ici, loin de mes stupides souvenirs qui s'accrochent sans que je puisse les détacher. Qui s'agglomèrent comme des chewing gum que je n'arrive pas à décoller. Et ce hasard qui nous a fait nous croiser une vendredi soir pluvieux. Un vendredi soir hivernal et doucereux. La vie joue toujours des tours au plus audacieux. Des vilains tours, de la magie beaucoup trop impérieuse pour la jeune fille hypersensible que je suis. Celle qui console ses élèves, les réconforte quand ils se brisent la main contre la fenêtre dans lequel ils ont mis un énorme coup de poing. Qui rit, engueule, tient les troubles à distance et fait claquer ses talons sur tous les planchers. Tient tête à tout le monde, avance comme elle veut, fronce les sourcils et ne ploie jamais.

Et se fige et écarquille les yeux à en pleurer quand elle croit reconnaitre celui qu'elle n'a pas vu depuis quatre mois entier.

Affligeante.

Fatiguante.

Petite fille pas encore assez évoluée.

Pas encore assez confiante.

Alors j'achète mes billets, je préviens en temps reel l'autre côté du monde en disant que ça y est, j'arrive enfin la voir, à elle. Des lettres en majuscule, un jacuzzi qui m'attends, et des nouvelles frontières à passer. Et je ris en contactant Montréal où le hasard me fait faire une escale pour une nuit. Hey handsome, tu seras là en avril, dis? J'ai envie de te revoir. Et lire "Are you coming here just to rock my world?" et sourire. Et lire le reste de ses mots, et rougir. Lui parler un peu de ces derniers mois, de ce chagrin là. Et le voir me répondre "I'm sorry to hear that. But I'm not really sorry because now that means you can come here" et re-sourire. Je serai là bas dans un mois, pour quelques heures. Dans cette ville dont je connais la couleur des lignes du métro par coeur, et la chaleur artificielle des centre commerciaux souterrains. J'ai demandé si on pouvait aller manger une poutine, et il a dit oui, volontiers. Dix sept heures sur le sol canadien, un autre avion, et quinze jours très loin.

Loin d'ici, loin du silence, des souvenirs et de mes petites errances. De cette peau minuscule alors que je suis immense. De cette moi ridicule alors que je ne suis qu'arrogance. Si tu ne reviens pas, on verra plus tard tu sais. Ou on ne verra jamais. Notre vraie rencontre, et toutes nos occasions manquées. Tout ce que tu me manques, invariablement. Ce que j'étouffe, que je repousse, que je mets sur le côté. Mais que je suis incapable à moi même de cacher, quand je suis toute seule et que je peux pas me flouter. Tu me manques et c'est navrant. Notre relation est en mode mute et c'est décevant.

Alors je danse, je chante, j'écris. Il y a un personnage maintenant qui te ressemble dans mon histoire, et il est affreusement cohérent . Il est solide et fragile, il est têtu et emmerdant. Il fait avancer les évènements bien plus vite que je ne pensais, et il tient beaucoup à la morale et tous ses dérivés. Il provoque des changements, et il sera très utile dans quelques temps. Quand j'aurais enfin fini le premier tome, celui encore si peu rempli comparé aux deux autres que j'affectionne. Ceux où il y a la guerre, le sang, les retrouvailles. Dans ma solitude, j'avance beaucoup sur cet univers là que j'écris. Que je ne montre pas, que je façonne et qui m'appartient. On verra plus tard, on verra bien. Partir au bout du monde et en créer un. J'avance sans repères, mais je crois que j'avance bien.

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You shouldn't mumble when you speak
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