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You shouldn't mumble when you speak
25 janvier 2015

Je n'aurais jamais

"J'avais et j'ai encore des sentiments pour toi".

Tes mots qui résonnent dans le creux des cicatrices déjà guéries. Qui font serrer les dents.

Passer les doigts sur le visage.

Doucement. Cruellement.

Mon coeur vide de toi, et rempli à ras bord de moi.

Si tu n'étais pas parti :

Je n'aurais pas blanchi mes cheveux. Perdu ces douze kilos,  du temps où j'appelais les autres pour dire "Je n'ai pas mangé depuis avant hier, je fais quoi, je fais quoi, je fais quoi?". Je n'aurais pas usé mon maillot à la piscine, le matin, le midi, le soir. Je n'aurais pas autant senti le chlore, ni découvert qu'on ne pouvait pas pleurer avec des lunettes de plongée. Je n'aurai pas eu la forme de mes doigts en ombres chinoises sur mes bras, quand le reveil sonnait.

Je n'aurais pas eu ma tête bloody but unbowed.

Sans ton départ, je n'aurais pas su tout ce que je cachais. Cette colère comme une lame de fond, qui est remontée tout doucement jusqu'à me faire relever la tête. Regarder tout autour de moi. Reprendre vie. Et me rendre compte d'une chose, que pendant ces six mois d'enfer.

Je. Crevais. De. Faim. Des. Autres.

I. Was. Starving.

Sans ton départ, je n'aurais pas arpenté ma ville dans tous les sens. Je n'aurais pas aimé encore plus gens que je connaissais déjà. Renouer des liens et détruit d'autres. Je n'aurais pas découvert que le monde n'attendait que moi. Qu'en dehors de mes quatre murs, ça fourmillait de partout. Je n'aurais pas vu ce que j'imaginais déjà. Qu'il y avait des rencontres à faire, à chaque pas. Des histoires, des vies, des sourires, des rires, des souvenirs, des langues inconnues et des similitudes. Comme l'eau des marées attirée par la lune. Tout ce qui me constituait qui se tournait vers l'autre, encore plus qu'avant.

Encore mieux qu'avant.

"Tell me your story, please".

Sans ton départ, je n'aurais jamais su où était le Texas, l'Alabam, le Mississipi, la Slovénie ou que Montpellier était si belle la nuit. Je n'aurais pas su qu'on pouvait autant rire avec des gens qui étaient des étrangers deux heures avant. Qu'on pouvait passer tout un été à se dire "Hey stranger!", en se marrant. Qu'on pouvait venir de si loin, et me dire finalement que "Thanks for listening. You're good at listening". Je n'aurais jamais écouté cette fille qui pleurait, et tricoté sa peine avec la mienne. Je n'aurais jamais mélangé ma douleur avec toutes les leurs. Devant un thé ou devant mes 900 kilomètres par semaine au compteur. Echangé nos jours noirs contre des tasses, des verres et des gobelets. Je n'aurais jamais su à quel point j'en voulais encore.

Sans notre séparation, je n'aurais jamais pu éclore.

Je n'aurais jamais suivi tous ces enchaînements que la vie adore me mettre entre les mains. Je n'aurais jamais su que les garçons du grand froid pouvaient autant se ressembler. Jamais monté dans une voiture dans la grande Montréal pour tomber nez à nez avec Sean l'étudiant, qui était le sosie d'Alaska Boy en brun. Je n'aurais jamais su que mon type de personne était à ce point fluctuant. Ni l'attrait que je pouvais avoir pour les garçons plus petits, et pour les "r" qu'on roulait. Je ne me serai jamais découverte grâce au regard des autres. Et surtout grâce au mien.

Mon corps en sous vêtements dans le reflet du miroir, et les rires quand la totalité de mon armoire était à mes pieds, et que je dansais en talons et petite culotte rayée. Mon image barbouillée de sang ou de couleur, à jamais sur des pellicules prises par un regard aimant. Je n'aurais jamais imaginé que je puisse autant m'apprecier Je n'aurais jamais rajouté une phrase sur mon bras, avec l'écriture d'une personne adorée. Je n'aurais pas autant souri à mon reflet.

Ma peau sous celles des autres, je n'aurais jamais autant été désirée.

Sans notre rupture, j'aurais gardé ton pessimisme et je n'aurais pas laissé autant de chance à la vie qui pulsait. J'aurais gardé ton immobilissme et banni mon mouvement. Je n'aurais jamais fait tous ces coups de tête. Je n'aurais jamais accompagné quelqu'un à la gare, puis décider de sauter dans le même train que lui. Je n'aurais certainement pas fait ce covoiturage de 9 heures, à rouler trop vite à travers le centre de la France. Je n'aurais jamais connu les couleurs des lignes de métro de Montreal. Ni maîtriser mieux les stations de la ligne verte qu'Harry-baby qui y vivait.

Je n'aurais pas découvert le hockey. Ni vu les yeux d'un joueur me reconnaître à travers le plexi et me faire un signe de main, un sourire dessiné sur sa lèvre supérieure, celle où courrait une mince cicatrice qui allait jusqu'à son nez. Je n'aurais jamais hoché la tête en l'entendant dire que mon appartement sentait comme chez sa grand mère, à cause de la Potika qui y cuisait. Je n'aurais jamais su dire pléšem, ljubim, živim. Je danse. J'aime. Je vis. Je n'aurais jamais entendu parler des Kurents, qui chassaient l'hiver et les mauvais esprits à coups de cloches durant le premier carnaval de février.

Gling Gling Gling l'hiver, go away. Gling Gling Gling les mauvais espris du passé.

Živim Živim Živim.

Je n'aurais pas rencontré Z.. Je ne l'aurais jamais écouté me parler de la guerre civile américaine, ni me proposer de venir le voir à son entraînement de ce sport dont j'ignorais tout, rempli de vélos et de maillets. Je n'aurais pas décidé de venir les regarder jouer le dimanche. Même sans Z. Même sans les connaître. Juste moi et mes carnets, et le froid du hangar. Et petit à petit, les prénoms échangés. Petit à petit, les "Merci d'être venu nous voir jouer". Et puis, les "Et toi, tu nous rejoins quand?"

Dans le froid de janvier, je n'aurais jamais pesé le pour et le contre en consultant des sites de ventes de casques de hockey. Je n'aurai pas regardé ce tournoi toute une soirée, jusqu'à ce que les étoiles se lèvent au travers du toit rempli de poutres en acier, mais sans toiture. Je n'aurais jamais été cette blonde au bonnet aux couleurs du canada, les mains contre le feu, une bouteille de tequila dans mon main en bandoulière. Je n'aurais jamais entendu B. parler de cette étoile qui serait jupiter, ni le voir se pencher vers moi pour me demander "Et toi, c'est quoi ta planète préférée?".

Ta. Planète. Préférée.

("Neptune, parce qu'elle est bleue")

Son genou contre le mien, et rire des bêtises des joueurs venus de loin. Rougir des si jolis sourires des si jolies filles. Et entendre les noms des ligues qui donnent envie de les écrire partout. Je n'aurais jamais appris son "Roll tide" de l'Alabama. Je n'aurais jamais ri si fort dans le froid glacial. Vu comment on pouvait boire une canette par en bas, comme des vrais de là bas. Me faire dépasser par des vélos dans la nuit et entendre dire "J'aimerais pas être à la place de la fille qui va gratter sa voiture". Et hurler "Ta gueule" pour la millième fois, en étouffant les ricanements, tout en enlevant le givre de mon pare brise en soupirant.

Sans notre fin, je n'aurais pas su tout ce que je pouvais faire seule. Quatre carnets en permanence dans mon sac. Mes trois chats à mes pieds. Mes trois murs gris et le dernier bleu. Et le monde tout autour.

Mon coeur qui bat sans toi, mon coeur qui bat pour moi.

Je n'aurais jamais su que ma personne préférée, ce n'etait plus toi. Plus jamais. Parce qu'on a vu souvent rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux. Mais pour nous, notre foyer est mort noyé, et mon feu s'est rallumé.

Et dans ma poitrine, il prend toute la place. Derrière mes côtes qui l'ont si bien protégé, il n'y a absolument plus d'espace.

Ni pour tes sentiments, ni pour le passé

Parce que je suis devenue ma personne préférée.

Roll tide, darling.

Roll tide.

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L
Une belle fleur s'épanouie à nouveau dans le jardin. Un soleil caché derrière des nuages de mauvais temps qui brille à nouveau de toute sa splendeur et sa chaleur.
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