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22 novembre 2015

"La bouffonnerie de mon ex. La bouffonnerie de

"La bouffonnerie de mon ex. La bouffonnerie de mon ex." je répète aux miens en soupirant. En lisant ses mots ridicules et ses leçons qu'il voudrait donner au monde entier. "Tu le vis qu'il cite Zola, c'est pas possible, j'y crois pas". Alors comme on fait depuis un moment, depuis plus d'un an, je vois s'afficher les insultes que d'autres écrivent en ricanant. Je lis leur colères et leurs mécontentements, et je me dis que j'ai beaucoup de chance. Ces gens qui rient avec moi, mes gens qui pleurent avec moi tout autant. Qui me relèvent, époussettent mes vêtements, me mettent une main sur l'épaule et une grande tape dans le dos pour me pousser en avant. Qui me regardent repartir en boitant, en marchant, en courant. Me prendre des murs, me casser la gueule, et revenir les voir avec les genoux en sang. Ils me soignent, me cajolent, me consolent, restent des heures au téléphone à me parler par kit mains libres interposés, entrecroisés. Ou chez moi, devant des tasses de thé qui n'en finissent pas. Où on vocifère sur ceux qu'on n'aime pas, où on regarde les anciennes photos d'il y a neuf ans et les vidéos de mon été à vadrouiller sur un autre continent. Les États Unis, Montréal, l'Ukraine et ce village en France à la fin de l'été, pas tellement loin mais si isolé. "Oh il a cette voix là, j'aurais pas imaginé, depuis des mois que tu en parles je suis contente de pouvoir presque le voir en vrai".

J'ai déjà commencé à leur dire que leurs cartes de voeux seraient moins belles que l'année dernière, parce que je vais pas vous remercier de me sauver la vie chaque année, ça va, on va se remettre un peu. Par chance, j'ai déjà plein d'enveloppes de toutes les couleurs. Des jaunes, des marrons, des bordeaux, des orangés et des bleus. Je les avais acheté il y a longtemps, dans cette toute petite boutique si jolie dans une rue très en pente. La vendeuse avait un accent des pays de l'est, et je lui avais demandé "Donnez moi toutes les couleurs, sauf le rouge et le vert, s'il vous plaît" alors qu'elle haussait les sourcils et me souriait. J'avais encore les épaules bronzés par septembre qui commençait à peine, c'était il y a une vie ou deux. J'avais des envies à écrire, et des choses à dire un peu mieux. Mon projet avait été avorté par les nouvelles du front, et il y avait finalement beaucoup de vide dans mes enveloppes bariolées. Pas longtemps, pas vraiment, je n'ai jamais aimé les mois silencieux.

A presque l'autre bout du monde, à six heures de moins que moi, il y a eu Sean l'autre soir avec qui j'ai papoté. Lui le jour, moi la nuit, et lui qui me demandait "Are you ok?". L'un de mes canadian-boy préféré, qui passait ses nuits entières à la bibliothèque universitaire l'année dernière pendant que mon décalage horaire me maintenait eveillée. A l'époque il s'amusait beaucoup de cette française qui n'arretait jamais de poser des questions, c'était aussi il y a une vie ou deux. Alors c'était pareil l'autre soir, on a discuté pendant des heures pendant qu'il me demandait comment allait la France, et si moi j'allais mieux. "It's friday night and I'm drinking coffee.What a naughty night!", je lui ai répondu. "I'm drinking coffee too. We are naughty together", il a ajouté. Alors on a ri et parlé de tout. De nos vies, de cet terrible hiver canadien qui revient à nouveau et qui le fait déprimer, de la sensation que c'est de marcher dans les rues d'Israel en journée, du danger, mais de la beauté de là bas aussi, du monde qui va mal et qui ira peut être mieux, du voyage qu'il doit faire en France "because we have wine and women you know", de la photo que je lui ai envoyé de moi en marinière avec ma bouteille de vin blanc, des photos de nous enfants, de sa mère française et pourtant de son affreux français et de mon english qui est wonderful, si si c'est vrai.

Il m'a demandé à un moment, pourquoi nous n'avions pas couché ensemble tous les deux. Il ne se souvenait plus. Je lui ai rappelé que c'était une question de temps que je n'avais pas ce soir là, puisque ma copine devait rentrer bientôt d'une soirée. Mais moi je me rappelle, on avait bu des bières, parler de la liaison de Van Gogh et Gauguin, et de surement plein d'autres choses qui m'avait beaucoup plu et amusé. Je me souviens aussi qu'à un moment, il était assis sur le canapé pendant que j'étais à genoux sur le sol, en train de chercher quelque chose. Alors il m'avait attrapé doucement la nuque et il m'avait embrassé. Et ça m'avait absolument emerveillée, moi qui ne vit que pour les symboles, la symbolique de ce qu'on dit et ce qu'on fait, les mots les mots les mots et les idées "Mais tu te rends compte des mots que tu utilises, mais tu t'entends parler?".  Mes genoux sur le plancher comme une icone religieuse, sans l'aspect de soumission mais peut être avec un peu celui de l'abandon. Abandonner un peu tout ces reflexes de cette année là, où je serrais fort les poignets des jolis pour les empecher de bouger et où on me plaquait fort contre les murs pendant que je riais. Où le sexe était facile, drôle ou brutal, et jamais compliqué. Et cette nuit là, donc, où il n'y en avait pas eu et qui m'avait tellement marqué. Et j'aurais du savoir, et j'aurais du me douter, que c'était le début d'un changement. Et que La Vie allait m'en donner d'autres, des nuits comme ça, à experimenter. Des nuits sans corps nus à dévorer. Un an plus tard, devant mon mug nocturne, j'ai ajouté que j'aurais du lui mentir vu qu'il ne se rappellait plus et "I should have say "because I was shy and I was a respectable young woman". Et forcement, forcement, "Of course you are", il a ajouté, "Us having sex wouldn't change that". Et j'ai souri en grand derrière mon café. Puisque les gens que je rencontre à travers le monde ont cette manie incroyable, ce don formidable, de manier très bien les mots et de toujours me reconforter sans même s'en douter.

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