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You shouldn't mumble when you speak
3 décembre 2014

Montréal.

(écrit dans l'avion du retour, Montréal-Paris, 01/11/14)

Cette année m'a broyé, ciselé, réduite en morceaux pour mieux me semer.

J'ai bu la tasse dans un verre d'eau, je me suis noyée dans une mer déchaînée. J'ai lutté de toutes mes forces et j'ai accroché mes ongles à l'écorce.

Sur ma peau, des marques des batailles que je menais. Les victoires et les défaites. Les efforts, et tout ce qui les renversait. J'ai voulu abandonner et tout lâcher.

Et puis, je me suis balancée dans un train.

Un taxi.

Deux.

Un métro.

Un avion.

Le froid.

Un métro.

Un bus.

Dans un paysage inconnu, loin, un endroit que je pouvais appeler maison. Une couette à fleurs, des tasses blanches et à pois. Sur la table, des bouteilles qui s'entaissaient, sur la commode des écharpes et des bonnets.

Dans ma poitrine, mon coeur qui rebattait.

Les feuilles rouges sous nos pieds. Mes mains hantées, mes mains gantées sur mon visage camouflé. De la laine noire sur ma tête et mon nez, et dessous des sourires.

En dessous, des rires.

Les deux cents marches à gravir, palier par palier. Lentement. Sûrement.

En haut, la vue de la ville. Mes doigts sur la rambarde, et le soleil sur mes cheveux emmêlés.

L'accent différent, les interrogations et mots mal compris. Dans notre appartement, le travail de fourmi de ramener ce qui était joli. Des bonnets, des livres, des pulls, des chaussettes qui montent jusqu'aux mollets.

Des baisers.

Des sans importance, mais très importants.

Des frigorifiés dans une ruelle trop éclairée. Sous ma cape, mes bras qui tremblaient et mon fou rire qui s'installait. Mes mains sur ses joues fraichement rasées, mes mains dans ses cheveux très bien coiffés. Mes mains sur ma bouche, et mes hoquets. "Are you serious? Do you have sex with girls in the street? In Montreal?" Le métro et sa musique dans mes oreilles, comme le jeune homme qu'il était. Les rues connues et reconnues, les rues familières. Dans mes nouveaux écouteurs offerts par mon Bamby Montréalais, "Tainted love" et moi qui dansait. Parce que sometimes I feel I've got to run away, I've got to get away. Tu parles comme je run away bébé, t'as pas idées.

Une autre fois, un autre soir, "Mais ça en valait la peine, ma chère?" répondu quand je demandais des comptes sur les marques dans mon cou. Les siennes mieux cachées par sa barbe. Mais évidemment que ça en valait la peine, monsieur. Nos deux solitudes très bien accordées. Ma robe à fleurs qui glissait sur mes épaules dénudées. Parce que chaque frolement sur ma peau me rapproche un peu plus de la surface. Sous l'eau, mes ongles griffent rageusement la glace.

Et puis.

Quinze nuits à discuter avec Student Boy, et la dernière passée à le rencontrer. De l'intelligence et de l'humour. Des lunettes et des cheveux noirs. Et moi, hébétée, sur toute sa vie qu'il me racontait. Les sourcils froncés, le dos collé à mon dossier.

"Quoi?" disait sa bouche, et le tracé de ses doigts sur les miens.

"Nothing", disait ma bouche, et les signes de mes mains. "You. You..." Des points de suspension plein les doigts.

Dans ma langue, et même dans la sienne, il n'y avait pas assez de mots à piocher pour expliquer. Cette affreuse démangeaison qu'on ne pouvait qu'expérimenter. Quand le coeur brûle de se mettre à repousser.

Montréal, et son hiver qui commençait.

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