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You shouldn't mumble when you speak
2 septembre 2015

"C'est n'importe quoi" je réponds, quand j'essaie

"C'est n'importe quoi" je réponds, quand j'essaie d'expliquer ma vie. Mes cheveux sont encore emmêles de ce mois d'aout qui n'en finissait pas de. Me faire courir, porter des valises, rire, boire, me faire me mordre les doigts jusqu'à laisser des traces profondes sur mes phalanges. De tout ce qui se dit, et ce qui ne se dit pas.

C'est n'importe quoi, de se sentir chez soi, si loin. A New York dans les draps plissés, froissés, en boule à nos pieds de K. et J. qui m'ont si gentiment accueillis. Dans leurs bras quand je les retrouve, dans leurs bras quand ils finissaient toujours par m'émouvoir d'être eux, ou juste comme ça. A Montreal dans la chambre d'amis où je me sentais une invitée privilégiée, chez S. et E. où il était si bon de fêter les anniversaires et le temps qui passait. A Arras, sur le canapé lit dans le salon rempli de jouets de ma jolie Po', où son encore plus jolie Suzon venait se jeter sur mes genoux en me criant "tatie" alors que je l'enserrais fort fort fort. Cette ville du Nord, improbable, où j'aime tant me réfugier. Où on parle pendant des heures, comme on le faisait à Chambery dans mon appartement contre le ciel. Les bières rosés, les pistaches, nos secrets. Peu de changements, mais des grands. Les cheveux plus courts de Pauline, et sa main sur son deuxième, déjà, bébé qui grandissait sous son haut rayé. Ses trois point sous l'oeil gauche, les mêmes. L'encre sous la peau de son poignet, ça c'est nouveau. Le froid qu'il fait toujours plus chez elle, les frites qu'on va toujours chercher. Le monument pour les soldats canadiens que je demande toujours d'aller voir, et la ville en bas que je regarde toujours sans me lasser. J'ai des points dans le monde entier où je suis accueilli comme si j'y appartenais.

C'est n'importe quoi, cette vie quand il s'y passe tout ça. Quand l'été se chargeait de mail, de réponse, de réponse aux réponses, de mots aux mots. De toute cette correspondance d'images des mondes dans lesquels on vivait. Si loin, si près. Cette lettre que j'avais mise dans les mains de ma belle M. parce que moi, je ne savais plus quoi en faire. Des jours qu'elle était dans mon sac, et que je n'osais pas la poster. Alors, avec mes valises et mes billets, j'ai trouvé que c'était un bon moment. Elle a voyagé en même temps que moi, pendant que je traversais les douanes et les océans, mes peurs et mes sentiments. En réponse, un message sur mon téléphone à l'écran cassé, un matin. Et mon appel, du creux de New York vers une campagne où rien ne captait. Ma voix sur le répondeur, mon non non non, tu ne m'écris pas, tu gardes ta lettre et tu me la donneras quand on se verra. Et ma colère, sous l'orage, avec ma valise et mes habits froissés, de la trouver dans ma boite alors qu'il m'avait juré. Cette enveloppe que je n'ai jamais ouverte, et qui traîne, lourde, dans mon sac comme la violette que je n'osais envoyé un mois avant. 

C'est n'importe quoi cette nuit à s'expliquer, encore la nuit, toujours la nuit. En chuchotant puisqu'il y avait d'autres personnes qui dormaient dans la pièce à côté. Ces mots que je ne voulais pas entendre, lui que je ne voulais pas écouter. Ses explications, ses excuses qu'il brodait. La peine que je lui avais fait, en ne voulant pas lire ce qu'il m'écrivait. Et mes mots qui lui disaient, tu es loin et tu ne me laisse pas t'approcher. Nos désaccords sur lequel le jour se levait, encore.  Alors il aura fallu quelques jours loin, à partir à quatre dans une voiture toute petite en regardant la campagne défiler. A nager dans un lac et marcher dans la forêt. Somnoler dans des hamacs, et dormir ensemble encore sans jamais se toucher. Juste l'avant bras contre le mien, qui répondait à la question que je m'étais posée, est ce qu'on s'est vraiment manqué?

C'est n'importe quoi, quand mes joues étaient si brûlantes de cette proximité de rien de tout. De ce pouce dans ma paume, encore. Et mon rythme cardiaque qui faisait n'importe quoi alors qu'on était couchés sur les coussins usés étalés sur le plancher. Ses doigts accrochés aux miens, puis ses bras autour de moi et moi qui ne comprenait plus très bien. Mes mains pour le repousser parce que je n'arrivais plus  à respirer. Ma respiration était comme emmêlée, et je n'arrivais plus bien savoir à qui était ce coeur qui battait si fort, s'il était à moi ou si c'était le sien. Ses lèvres sur mon front, et dans mon cou mais sur les miennes jamais. Alors ma bouche sur la sienne, puisque le jour se levait encore et qu'il me fallait des réponses. Et qui devait annuler tout ce qu'on s'était dit avant, sur mes mains qui ne devaient absolument pas aller dans ses cheveux et les siennes qui ne devaient pas se poser sur mes omoplates. Et ces limites qu'on ne devait pas franchir, mais qui étaient si douloureusement proches. Mes doigts contre ses épaules, fort, si fort pour qu'il regarde ma tête qui hochait non. Pas comme ça, pas n'importe quoi. Pas nous, pas moi, pas toi. Le lendemain soir, ses yeux si tristes et ses mots sur tout ce que je chamboulais en lui. Toutes les frontières que je bougeais, et lui qui ne savait plus bien se situer. Moi qui lui répétais, encore, pour toujours entre nous, qu'il fallait qu'il me laisse entrer. Que j'allais taper dans tout ce qu'il entassait entre nous, et que j'allais continuer à tout renverser. Nos passés, nos traumatismes pas enterrés et ses barrages qu'il essayait de mettre entre nous. Nos vies qu'on avait continué à gâcher à rester avec des gens qui nous maltraitaient. Nos blessures, nos blessures, nos blessures. "Tu ne crois pas qu'on mérite autre chose?" je chuchotais avant que ses mains ne prennent ma tête pour enfouir mon visage contre sa clavicule. Et sa bouche sur la mienne, alors qu'il avait dit que. Mais que souvent, on fait semblant de ne pas entendre ce qu'il demande, puisque ce n'est jamais tout à fait vrai. Au matin, lui et ses affaires vers un pays étranger, et un au revoir en polonais. Sur son bureau, j'ai placé autant que post it que de jours à l'attendre. Sans se donner de nouvelles, sans se parler. Encore. Cette histoire si belle, et si compliquée. Ce manque encore pire que celui de cet été.

C'est n'importe quoi, ces jours qui ne passent pas et ces dix huit qu'il va falloir encore patienter.

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