Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
You shouldn't mumble when you speak
31 octobre 2015

J'ai 28 ans et 5 mois, un appartement bleu, gris

J'ai 28 ans et 5 mois, un appartement bleu, gris et blanc, 3 chats, 2 ans d'ancienneté, 1 permis de conduire avec des points manquants parce que je n'aime pas les panneaux stop, des vêtements dans plusieurs tailles différentes dont beaucoup de trop grands, des centaines de livres, des dizaines dans la pile de ceux qui n'ont pas encore été lu, 1 bouteille de rhum, 1 bouteille de tequila, des verres à shooters de toutes les couleurs, des figures religieuses mais uniquement féminines, 2 dessins imprimés de l'architecte Frank Lloyd Wright sur mon mur, des vrais dessins de ceux que j'aime autour, 1 mot de Marta sur un post it orange en forme de pomme qui me traduit que "Spierdalaj = fuck you" et que j'avais échangé contre le mien où était écrit "Va te faire foutre = fuck you!", 1 photo d'un homme inconnu de dos dans Berlin que j'adore et que j'avais acheté à un photographe que j'ai revu hier et qui part au Liban, puis en vélo faire traverser les Etats Unis.

J'ai 1 guitare noire ramenée de Thailande, 1 carte postale où Oscar Wilde me dit que les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais, 1 flyer pour un festival à Ljubljana en 2009, 1 carte du monde de 1975 dérobée dans une école plus vieille encore, 1 affiche en flamand piquée dans un bar de Brugge et que j'avais caché dans mon collant, plus aucune paire de collants mettable, 1 machine à écrire qui n'écrit pas, 1 carte de métro de Montréal, 1 mot d'excuse d'un barman qui stipule que "Mr le Directeur, veuillez excuser Melle pour son absence ce mardi 29 avril 2014 pour des raisons qu'il vaut mieux taire mais somme toutes honorables, veuillez agreer blabla" et un souvenir d'une gueule de bois mémorable avec un réveil dans la baignoire, 1 boite de craies, 2 boites de crayons de couleur, 1 bombe de peinture blanche qui m'aura permis d'écrire maladroitement mais en riant tellement mes premiers mots d'allemand, l'agenda du Café maison du peuple à Bruxelles pour février dernier, 1 exemplaire de On the road rempli de feuilles d'érable que je n'ose pas ouvrir, des livres sur la surdité, le langage, le cerveau, des manuels de toutes les matières même les chiantes. Surtout les chiantes.

J'ai 333 amis sur facebook, 1421 personnes me suivent sur twitter, 404 sur instagram. Des grosses poignées de vrais gens autour de moi avec qui danser, boire, rire et passer des heures devant des tasses de thé qui refroidissent. Quelques numéros si j'ai envie qu'on me redise que je suis jolie, mais que je n'appelerai plus jamais. J'ai 3 grandes histoires d'amour, dont une moyenne mais qui avait le mérite d'être la première alors ça compte quand même. Et une dizaine de personnes qui ont frolé mes lèvres ou ma peau. J'ai des cartons que je n'ai pas déballé, des affaires dont je ne sais toujours pas si je dois les jeter ou les renvoyer, 1 punition qui dit "Je ne détruis pas" et que je garde pour moi, beaucoup de dictionnaires et pourtant je ne sais plus tellement parler, des billets pour Hô Chi Minh Ville sur le point d'être achetés, et ceux de Bruxelles qui traînent à être ajoutés avec les autres de mes voyages passés.

J'ai un nouveau carnet où j'ai recopié "Are you scared? Or are you not ready? There is a difference" et je fixe mon écriture depuis des jours. J'ai mes peurs qui évoluent et qui changent en même temps que moi. J'ai toujours peur du bruit du givre et des endroits trop étroits. J'ai le vertige et pourtant j'ai passé mon adolescence à écouter de la musique sur le toit. J'avais peur d'être abandonnée, j'étais vraiment terrorisée par ça. Et puis, la vie qui est toujours très exigeante. Qui me bouscule, qui me perturbe et me pousse toujours dans les moindres recoins de moi. Qui m'a foutu la tête sous l'eau si fort dans cette peur qui se réalisait et qui me noyait. Et qui revenait me demander tous les jours "Ça fait toujours peur? Ça fait toujours mal?" pendant que je me débattais. Jusqu'à ce que je comprenne que je pouvais respirer toute seule, que je recrache l'eau qui me bloquait et que je puisse me relever. C'était une leçon très dure, qui a été bien apprise et bien maîtrisée. You'll never be ready. Tout est effrayant quand on est n'est pas prêt. Et on ne l'est jamais, et ce n'est pas grave. Parce qu'on survit à ce qui est terrifiant, et qu'on peut ensuite rayer de la liste ce qu'on vient d'affronter.

J'avais peur d'avoir de nouveau des sentiments, j'ai tout repoussé pendant plus d'une année. "C'est toi même que tu fuyais, pas les autres", en dira ce barbu qui a Si Souvent Raison. Et cest très bien résumé. Finalement, j'ai chassé ce fantôme là aussi et je n'en suis plus effrayée. Alors il fallait que je m'attaque à celui qui me restait. Dans l'aube au milieu des montagnes que j'aime tant, j'ai pris le temps. Je me suis assise sur un banc dans un square tout petit, et j'ai sorti mon carnet bleu et blanc. Celui où j'avais recommencé à écrire cette énorme histoire que je porte depuis si longtemps. J'ai écris le titre en grand, et j'ai fini ce premier chapitre qui me bloquait tant. Stylo plume à encre noire, écriture manuscrite. J'ai vraiment peur de ce massacre là. De ce monde que je dois écrire, et qui est si dense que je ne sais toujours pas si j'ai les épaules pour le raconter. 

J'ai une dizaines de personnages principaux, et tellement de secondaires. Leurs vies, leurs familles, les liens qui les unissent et tout ce qui fait qu'ils existent depuis des années. Tout ce qu'ils prennent de moi. Et ce qu'ils prennent des autres, de ceux que je côtoie. De leur courage, de leur existence même et de tout ce qui fait que je les aime eux. J'ai des jumelles, une sourde, un déraciné, des tatouages, des histoires compliqués entre personnes partageant le même sang, et cette famille qu'on se fabrique nous même et qui est bien assez. J'ai un veuf, des orphelins, un musicien. J'ai cette petite brune qui sait tellement ce qu'elle veut, j'ai ce grand frère qui ne sait pas parler. J'ai des cicatrices, j'ai des gens complexes et compliqués. Des histoires d'amour difficiles, toujours. Et cette nouvelle qui fait enfin sens, et où il est question de lâcher prise et de moralité. Des physiques différents, et des caractères tout autant. Ces deux derniers personnages qui étaient si prenant à écrire, et que je laisse vagabonder maintenant pour voir s'ils tiennent debout sans que j'ai besoin de les aider. Et ils fonctionnent, forcement, et sans que je m'en rende compte, l'un d'eux a maintenant des pommettes marqués. Et il y a des fantômes, ceux qui s'enracinnent en nous et puis les vrais. Alors je n'ai plus trop d'excuses, et il va falloir que je me mette vraiment à travailler. Je ne peux pas rester avec cette peur là. Les peurs sont faites pour être surmontées.

Publicité
Publicité
Commentaires
K
Je suis pas vraiment sûre d'avoir absolument tout compris. Mais c'est peut-être pas plus mal de deviner, de trouver sa façon de lire entre les lignes. J'aime beaucoup tes textes parce qu'ils sont forts et riches et vivants, et parce que je m'y retrouve. Même si c'est très différent. Y a toujours un moment où je me dis "c'est ça". C'est ça pas tout à fait pareil, mais c'est ça exactement quand même.<br /> <br /> Je te souhaite bonne chance pour ton projet. Et d'avoir moins peur, bientôt. <br /> <br /> Merci d'écrire sur tout ça :)
You shouldn't mumble when you speak
Publicité
Archives
Publicité