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19 novembre 2015

Je ne veux pas être ici, je ne veux pas être

Je ne veux pas être ici, je ne veux pas être maintenant. Je veux être à Paris. Je veux être à Paris en 2007, quand on regardait avec C. la coupe du monde de rugby,  mais qu'on avait oublié d'arrêter de boire la vodka qu'on avait acheté. Qu'on ne voyait rien du tout et qu'on pouffait, éméchés, alcoolisés, bourrés dans cet appartement où on voyait les pieds de la tour Eiffel au bout de la rue. Où j'avais fini avec une gueule de bois mémorable le lendemain et que je luttais comme je pouvais parce que je devais aller prendre mon train.

Je veux être à Paris en 2008, en 2009 quand je prenais la 10 pour aller rejoindre Jussieu que je trouvais hideuse. J'étais l'une des première à arriver, et je n'avais pas encore compris que le retard n'avait pas d'importance ici. Des heures entières à suivre des cours de médecine, de pédagogie et de psychologie. On s'achetait des pâtes hors de prix qu'on mangeait dans la classe, on finissait tard et on prenait le métro en sens inverse pour rentrer. Je riais des tronches des parisiens qui faisaient la gueule, moi qui rentrait toutes les semaines dans le sud ouest pour voir ceux que j'aimais. J'avais cette histoire qui me perturbait avec Partenaire et je me demandais,  parfois,  si jamais. Mais on ne saura jamais puisqu'on s'est loupé lui et moi, et c'est peut être mieux comme ça. J'étais restée avec celui avec qui j'étais en couple mais j'avais beaucoup douté sur mes sentiments durant mes heures passées dans le tgv.

Je veux être à Paris en 2003 quand je venais de rencontrer ma jolie M', ma si précieuse M' la parisienne qui m'avait tout montré de cette ville que je ne connaissais pas. Que la famille pouvait être plus douce, que Paris était grand, qu'on pouvait se déguiser pour prendre le métro et aller faire la queue des heures pour la japan expo qui commencait juste à exister. On discutait pendant des heures et je dormais sur un futon sur son plancher. On était jeunes, on était déjà greffées sur internet vu que c'était le lien qui nous avait fait nous rencontrer. On écoutait du rock japonais dans le rer, on écrivait dans des carnets et elle m'avait même offert le premier pour le roman que j'écrivais.

Je veux être à Paris en 2004 quand je tombais amoureuse de mon premier fiancé et qu'on dormait dans ce si petit appartement si aseptisé. Je veux avoir des marques violettes de baisers dans le cou comme des adolescents que nous étions. Je veux être à Paris avec des suçons.

Je veux être à Paris en 2012 et en 2013, quand on passait nos partiels dans le sous sol d'une université. Qu'on crevait de peur de ce master qui n'en finissait jamais. Où on buvait des bières trop chères et qu'on pleurait déjà de se quitter.

Je veux être à Paris en 2014 pour mon dernier examen, le dernier des derniers. Où il y avait eu une grève des trains, énorme, grossissante de jour en jour. Celle qui nous avait fait réserver des trajets deux ou trois jours avant, au cas où. On avait dormi dans un très joli hôtel avec ma rousse S. et je passais mon temps à ricaner. Quelques jours avant, j'étais partie en Suisse faire l'amour à un si bel américain et j'en étais encore toute retournée. C'était le début des folies, le début des envies et Paris était là pour les regarder qui éclosaient. J'avais accompagné l'un de mes Julien à la gare pour le voir prendre un TER vers la Bourgogne pour un week end entre amis où je ne pouvais pas aller. J'avais attendu pendant qu'il prenait son billet. J'avais regardé la borne jaune et la foule immense qui patientait. J'avais hésité. Et puis merde tu sais, merde. Comme d'habitude, mon impulsivité. J'avais acheté un aller et j'avais sauté dans le même train que lui. On m'avait présenté Clément dans le train et j'étais tombée éperdument amoureuse de lui et son petit ami qui nous avait rejoint après. C'était un week end d'anniversaire surprise, on avait du se cacher dans le grenier pendant des heures sans trop rien manger mais avec de la tequila à volonté. J'avais des marques de suçons texano-new-yorkais qui s'atténuaient dans le cou, et des ballerines jaunes aux pieds. A la fin des deux jours, je disais papa et maman pour parler de mon couple préféré, et je savais dire écureuil en allemand puisque Vater était autrichien. Évidemment, il ne pouvait pas en être autrement quand je laisse la vie décider. On ne pouvait plus rentrer sur Paris à cause de la grève et j'avais pris un covoiturage qui avait duré des heures avec un couple très bien coiffés, très bien habillés et qui n'aimait pas prendre les gros axes routiers. Je répondais quand on me posait des questions, je disais oui, je disais non, je disais que j'étais prof spécialisé et ils s'exclamaient que c'était fantastique pendant que je cuvais l'alcool dont la veille j'avais abusé.

Je ne veux pas être ici, je ne veux pas être maintenant. Où tout est trop dur, trop sombre, trop violent. Le sang, la mort, les enfants qui posent des questions pour lesquelles je ne sais pas quoi répondre. La tristesse de cette réalité si dure, et de mon coeur pas cicatrisé. Qui m'a fait balancer mes affairer, enfiler un pull aux couleurs des Canadiens de Montréal pour pouvoir enfouir mes cheveux dans une grosse capuche bleu foncée et partir dans le jour qui tombait. Ma peine pour le monde et ma peine de coeur pour cette histoire qui n'en finit plus d'avoir des éclats dont je ne connaissais pas l'existence, et qui finissent toujours par m'entailler. Les grosses chaussures de garçon à mes pieds, la pluie sur mes cheveux et mes poings dans mes poches, enfoncés. Marcher longtemps, marcher tout le temps. Marcher dans le noir, se retrouver en pleine ville, cligner des yeux devant les lumières trop vives et décider de faire le chemin inverse. Le long de la ligne du tramway, dans l'herbe noire sous la nuit grise. Arriver à l'université et soupirer. Monter les marches pour la traverser et puis voir une affiche, s'arreter, regarder la date, hésiter. Et puis merde, tu sais, merde. Vouloir ouvrir la porte du hall et voir qu'on m'indiquait une autre entrée. "Vous n'avez pas de sac?" m'a-t-on demandé. Montrer mes paumes et mes mains vides, ouvrir doucement la porte de l'immense amphithéâtre. Celui d'histoire, évidemment puisque la Vie trouve toujours des coincidences pour me perturber et s'y faufiler. Je me suis glissée  usqu'à un siège et je me suis faite toute petite. Quand les premières notes ont commencé, j'ai accroché mes mains à la table et j'ai tout oublié. L'horreur, le sang, l'amour, à mesure que mes phalanges blanchissaient et que je fixais cet immense piano à queue sur l'estrade et cette si élégante dame qui jouait. Tu ne t'y attendais pas à celle là, me murmurait La Vie qui s'amusait. Trouver de la musique quand tu voulais du noir, pleurer pour autre chose que les morts et ce qui se joue quand ton coeur battait. Bien joué j'ai murmuré, bien joué. J'ai applaudi très fort et très longtemps alors que la pianiste ne s'arretait jamais de saluer. Dehors, le noir et ma capuche sur mes cheveux alors que je rentrais. Dehors, la pluie avait fini par s'arreter.

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