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7 novembre 2015

"Alors, on coupe comment?" Et il a fallu

"Alors, on coupe comment?" Et il a fallu expliquer. A celle qui nous coupait les cheveux, avant, quand on y venait à deux. Tu te souviens, tu te rappelles, je me rasais le côté de la tête il y a encore un an et demi. Et comme il est parti, et avec la tondeuse aussi. Tu vois toute cette longueur, c'est ce qui a poussé. Tous mes cheveux qui ont repoussé depuis. Alors je me disais, alors je pensais, que tu pouvais tout couper à cette hauteur, tu vois. Comme ça, j'aurais uniquement des cheveux qu'il n'aura jamais touché. Et c'est bête je sais, mais je crois que c'est important pour moi. Tu crois que tu pourrais faire ça?

Elle a pris ses ciseaux, et j'ai écouté le bruit que ça faisait. Les lames contre mes oreilles, et le sourire de mon reflet. Tout ce qu'on enlevait, le miroir contre ma nuque qu'elle me montrait. Et moi qui répétait "Encore, encore" et elle qui acquiesçait. On discutait de sa vie, du temps passé, et de la mienne aussi. De ce qui fait qu'elle n'en revenait pas qu'il se soit révélé finalement comme ça. Il était si poli, elle répétait,  il était si gentil. Oui, je hochais la tête, oui il l'était. Avec son joli visage, et ses belles manières. Sa moustache, ses bretelles, et son sourire bien lissé. Oui, on n'aurait pas dit, je sais. Qu'à cause de lui, j'ai encore plus de mal à faire face aux conflits. Qu'en plus de tout l'héritage que j'ai qui me met déjà tellement en souffrance quand il s'agit de ne pas réussir à s'accorder. Il faut maintenant en plus faire face à cette peur animale et que je n'arrive pas à raisonner. Que, si je ne suis pas d'accord, si on doit s'opposer. Alors on va me faire du mal, qu'on va se mettre en colère et physiquement me blesser. Oui, il était si poli, il était si gentil, je sais. "Encore, je pense que tu peux encore couper". Dans le miroir, je la voyais qui continuait à me diminuer. Mon passé, et tout ce que je choisissais d'abonner sur le côté. Et alors, elle a demandé, est ce que les cheveux que je te laisse ont été mieux touché? Et mon reflet qui réfléchissait, et mon reflet qui rougissait. Les doigts sur mon front, cette nuit là, mes omoplates qu'il ne fallait pas frôler et mes mèches partout très emmêlées. C'est pas tellement récent récent tu sais, mais le souvenir de la dernière fois qu'une main était dans mes cheveux, c'est quelque chose que je veux bien continuer à porter.

Et dehors, c'était la mienne de main dans les miens de cheveux qui ne cessait d'y courir. Incrédule et ricanant dans ce soleil de novembre qui ne se voilait jamais. Je suis enfin passée dans cette librairie, tenu par l'un de ceux avec qui on pourrait devenir encore plus ami si on arrivait à se trouver du temps tous les deux. Et qui était ravi de me voir là, et moi de voir tous ces livres qui n'attendaient que moi. J'en ai acheté un, et j'ai marché longtemps. Jusqu'à ce que le soleil se couche un peu, et que je finisse sur une banquette à lire et rire toute seule. Le genou d'A venu se poser à côté de moi. Évidemment, puisque qu'il est le propriétaire de ce pub bleu et jaune où je vais parfois. Parce c'est ça ma vie, parce que mes amis, ils possèdent des bars et des librairies. Qu'est ce que tu lis, tes cheveux comme ça c'est joli, et surtout pourquoi tu ris? Et moi de lui mettre dans les mains mon livre à peine commencé, en disant qu'il me le rendrait la prochaine fois qu'on se verrait. Mon cousin a fini par arriver, A. est retourné travailler, et on a parlé longtemps de nos vies et de tout ce qui nous chamboulait. Nos changements, non, "c'est pas que tu changes, c'est que tu évolues, et c'est bien". Les verres devant nous, le serveur avec l'accent à se damner qui m'appelait "Madame" et la vodka au caramel sur ma robe qu'il fallait enlever. Notre famille, leur passé, tout ce qu'on s'est fait refiler sans le vouloir, de desespoir et de peur comme héritage dans nos veines accroché. Tout ce qu'on évite, tout le recul qu'on doit prendre pour essayer de nous comprendre. La vie, l'amour, les sentiments qui nous brûlent et toute la force qu'il nous a fallu pour changer autant en presque deux ans. Je sais plus du tout où j'en suis, je sais plus du tout où je vais, mais au final je crois que je suis tombée amoureuse de quelqu'un de bien, t'imagines un peu le changement. T'imagines un peu comme on devient grand. Et nous de trinquer à nos vies complexes et compliqués, au sang qu'on a en commun et à toutes nos histoires qu'on a choisi de partager.

Et en sortant, croiser deux silhouettes connues assises à la terrasse et s'arrêter. Évidemment la vie, évidemment. Mais ça fait longtemps, qu'est ce que tu fais, et sur le terrain on te revoit quand? Alors j'ai attrapé une chaise, et on a discuté. La vie, l'amour, encore, toujours. Ma galloise préférée et celle que j'ai bien plus de mal à cerner. Et puis un vélo est arrivé, une chaise de plus ajoutée et un accent américain qui me demandait à son tour quand est ce que je revenais. Bientôt, j'ai dit, bientôt j'ai promis alors qu'on trinquait une nouvelle fois à la vodka alors que j'avais pourtant dit au précédent verre qu'il s'agissait du dernier. J'ai demandé des nouvelles des autres, je me suis étouffé quand on m'a parlé des nouveaux couples créer et j'ai haussé les épaules. S'ils sont heureux tous les deux, moi ça me va. Je ne m'y attendais pas, mais c'est chouette s'ils sont heureux comme ça. C'est plutôt quand on m'a donné des nouvelles d'autres que j'ai senti mes doigts serrer un peu trop fort le verre que je tenais. Les confidences que je n'avais pas trop envie d'entendre, et tout ce que ça faisait en moi remonter. Tu sais, il l'a quitté mais maintenant il pense que c'était une erreur. Il voudrait qu'elle revienne et si tu savais comme c'est dur de le voir qui pleure. J'ai prétexté le tram que je ne devais pas tarder à prendre, et je me suis éclipsée. Je ne peux pas trop écouter la douleur des autres, je n'arrive pas encore bien à me concentrer. J'ai la mienne qui prend toute l'espace, j'ai la mienne qui prend toute la place. De ne pas penser à lui, de ne pas penser à nous, de ne pas penser au fait que je ne sais absolument pas de quoi demain sera constitué. De ne pas penser au manque que j'ai, là, et que je n'arrive pas du tout à combler. Que ça fait deux mois, déjà et que c'est infiniment long quand on parle de baisers. Alors je me suis arrêté en moment en sortant du tramway, et j'ai regardé les étoiles qui somnolaient. Mes doigts dans mes cheveux courts, la douceur de la nuit et cet absurde été indien qui n'en finissait pas de continuer.

 

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