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14 janvier 2016

"Et ces gateaux que vous achetez, ils sont à

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"Et ces gateaux que vous achetez, ils sont à quoi?"

Mon sourire, mes mains qui moulinent du vide et ne disent rien. "Je n'en ai pas la moindre idée, ceux qui sont le plus près". Mon sourire plus grand encore. Les stores sont horizontaux. L'imprimante est noire, l'ordinateur blanc. Elle porte une chemise et un demi sourire quand elle parle. Elle se penche en avant sur ma liste, elle se penche en avant pour parler tandis que je croise mes jambes et mes bras. Elle regarde ma deuxième feuille, la liste que je devais rédiger. Les ombres horizontales dansent sur le mur comme des couperets. En sortant du cabinet, les jambes et des fourmis dedans. Mes lèvres, et par dessus plantées, mes dents. Je perds ma voiture, je mets un temps fou à la retrouver. Et la pluie qui commence à tomber. Alors le hasard, alors la coïncidence, et mes pieds devant un supermarché. J'ai longtemps erré, j'ai pris et puis reposé. Je me suis engueulée, je me suis dis allez maintenant ça suffit. Entre les laits de riz et les légumes bio, les confitures sans sucre ajouté et les pains au pavot. On ne peut pas avancer si tu fais tout pour reculer. On ne peut demander aux autres d'évoluer si toi, tu restes les pieds ancrés dans le sol comme un bête cheval borné. Bouge toi bouge toi bouge toi. Tu n'as besoin que de toi, et regarde toute le chemin qui tu as déjà fait. J'ai payé et j'ai souri, j'ai payé et en sortant j'ai pleuré. Il y avait le vent, il y avait la pluie, et il y avait moi sous l'orage en train de me fissurer en mon milieu. Le vent dans mes vêtements et ma main sur mes yeux. J'ai retrouvé ma voiture et j'ai mis la musique très forte. Pour compenser, pour me récompenser, je ne sais plus. A un moment, j'étais chez moi et il ne pleuvait plus.

A l'appartement, il y a du changement. C'est du renouveau ce janvier, c'est beaucoup de choses que je n'ai pas vu arrivé. Je me tiens à ma résolution, et je me retrouve en tailleur sur le canapé, à prononcer les mots en allemand qu'on me demande de répéter. Parfois l'application me dit que j'ai bon, parfois elle m'envoie un message pour me dire qu'il y a un problème de son. Ça, ça veut dire recommence, ça n'existe ce que tu essaies de prononcer. Alors je ricane à chaque fois, et je fourche sur ces consonnes que j'apprends à articuler. J'essaie de traduire des chansons, et je lis des choses juste pour pouvoir m'exclamer "oh je comprends ça, je comprends là". Je regarde deutschland 83 et je dodeline de la tête sur les chansons de cette époque là. J'ai toujours des pages ouvertes sur la guerre froide, et j'essaie de mémoriser. Je confonds les noms des présidents américains mais vraiment, je n'ai jamais réussi à retenir ce qui ne m'interesse pas bien. Moi, j'ai besoin d'un élément déclencheur, d'un truc qui m'attrape et qui me provoque une petite arythmie au coeur. Je marche aux sentiments, aux sensations et à mon intuition qui me perd toujours autant qu'elle me retrouve différente après chaque variation.

Et me voila à pousser une porte en verre, et à demander les tarifs et les horaires. Pour les cours de guitare que je voudrais prendre, puisqu'il semblait qu'en 2016 je n'avais pas encore assez à apprendre. Mais ce n'était plus possible, mes deux guitares qui m'attendent depuis des années, et qui se couvre de poussière. Et si je veux créer, si je veux écrire ce que je rature sur mon mur bleu à la craie, il faut bien que je me nourrisse. De musique, de chansons, de films, d'images et de sons. De langue nouvelle. J'ai besoin de poésie, et j'en trouve toujours en parlant une langue étrangère. Et quand on me demande mais enfin mais pourquoi mais à quoi ça te sert tout ça. Je hausse les épaules, et je ne réponds pas. C'est entre moi même et moi. Ce que j'apprends, ça m'aide à me constituer. Dans cet hiver où je me cherche, où je me tire les oreilles et où je mets des coups de pieds dans toutes les fourmilières dans lesquelles j'aime grouiller.

Durant ces mois où je fais tellement d'efforts, où c'est si dur et pourtant si nécessaire. Comme si j'apprenais à marcher d'une nouvelle façon, comme si je devais apprendre dans l'univers à me positionner. Alors c'est la guitare et l'allemand comme ça pourrait être le piano et le portugais. Forcement, il y a du sentiment dans tout ça sinon je n'aurais pas commencé. Forcement, il y a plein de souvenirs sur mes cordes et sous mes doigts, bien évidemment il y a plein de souvenirs dans mes oreilles et sur ma langue. Mais c'est joli de se souvenir, c'est joli de se rappeler.

Et puis j'ai mes émotions moins avouables aussi, mes petits défauts qui ne m'ont jamais vraiment quitté. J'ai des revanches à prendre avec la guitare, et le fantôme d'un guitariste du passé. Et ça me motive beaucoup ça, sur moi ça a toujours très bien fonctionné. Alors je ris de mes doigts sur le bois, je pense aux siens, il y a une vie, je pense à ses mains sur moi. A l'époque, je n'étais tellement pas contente de tout ça que j'avais teins mes cheveux en noir. J'étais jeune et je n'avais pas encore compris qu'on n'appaisait pas la douleur en changeant de couleur. Alors moi et ma guitare noire, des années après, on s'est trouvé un accord. Il aura fallu déménager plusieurs fois et accepter un jour de prendre le courage d'arrêter de courir, et d'accepter de me retourner. Faire face à mes démons, à mes fantomes et toute la cohorte que je n'ai jamais pris le temps d'écouter. Et que je prends maintenant, si je veux avoir un jour le loisir de pouvoir leur dire de la fermer. J'écoute les hurlements, les supplications, les chants de guerres et les chuchotements. Je réfléchis à tout ça, je me fascine de mon nombril et de mes noeuds de marins partout que je dois démeler. Decrocher. Sur lesquels je tire et sur lesquels je dois revenir plusieurs fois dessus pour les faire partir. Alors j'apprends l'allemand, j'apprends à jouer de la guitare. Je lis, j'écris, je regarde. Je rature mes personnages et je trace de nouvelles flèches. Je me frotte le bout du nez quand je suis satisfaite, je me caresse le museau pour me feliciter. On va y arriver, petite, on va y arriver.

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